TROIS JOURS A BARCELONE (2)
Présentation : Gwen Le Tallec Auteur de romans jeunesse et de nouvelles
Site pro : http://www.gwen-le-tallec.fr/
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Introduction :
EVENEMENT ! bfr le Mag' s'ouvre aux auteurs, et quels auteurs !
Gwen Le Tallec , que nous avions rencontré et interviewé il y a 6 mois nous offre pour un RDV HEBDOMADAIRE sur bfr e Mag', la lecture de son dernier ROMAN !
Interview : https://youtu.be/4PvUEjfLcbA,
Trois jours à Barcelone / Chapitre 2 – Coma
J’ai réussi à conduire jusqu’à l’hôpital. Là-bas, j’ai retrouvé Julien et Max.
Ils m’ont prise en charge. Solal était sur la table d’opération. Nous avons attendu trois heures…
Le chirurgien est arrivé et m’a expliqué l’opération et le coma…
J’étais comme ailleurs. Je n’y croyais pas… Je pensais que Solal allait franchir la porte du bloc en rigolant et en criant : – Surprise !!!
C’est un adepte des blagues pourries… Celle-ci l’aurait été, mais j’aurais préféré. Mais non… Il était allongé, livide sur son lit d’hôpital.
Nous n’avons pas été autorisés à le voir avant le lendemain matin. J’ai dormi dans la salle d’attente avec Julien. Max s’est chargé de prévenir la famille de Solal. Son père est décédé l’année dernière, et il ne lui reste plus que sa mère et sa sœur, Lucie. Elles sont arrivées au petit matin, toutes les deux. Margot, la maman de Solal s’est jetée dans mes bras. Lucie est restée là, à nous regarder les yeux brillants.
– Comment va-t-il ? demande Margot, d’un ton calme et rassurant. – Il a été opéré. Il a eu un gros choc à la tête qui a causé la formation d’un hématome. L’opération s’est bien passée, mais je ne sais pas… J’ai peur Margot ! – Ne t’inquiète pas ! Solal est un garçon solide ! Il s’en remettra. Tiens je t’ai apportée un thermos avec du café. – Merci…
Lucie s’est approchée de moi et m’a embrassée. Elle s’est assise à côté de moi, pétrifiée de peur et incapable de parler. Une infirmière est venue prévenir que nous pouvions le voir. Il était installé en soins intensifs. J’ai failli défaillir quand je suis entrée dans cette chambre aseptisée. Il était branché de partout. Un gros tuyau s’enfonçait dans sa gorge. L’infirmière m’a prévenue qu’ils avaient dû l’intuber car il respirait difficilement à son arrivée. Cela s’améliorait rapidement et ils pourraient sans doute, dès le lendemain, le lui ôter.
Nous étions tous les cinq abattus… Sans un mot, Margot a pris la main de son fils. Elle a baissé la tête et s’est mise à pleurer. Je n’ai pu retenir mes larmes. Nous sommes restés longtemps ainsi. Julien et Max ont ramené Lucie pour nous laisser seules avec Solal. Les deux femmes de sa vie étaient à son chevet. Il devait le sentir, c’est sûr ! Vers 21h, l’infirmière de garde nous a demandé de sortir de la chambre. Des soins étaient prodigués à Solal et nous étions de toute manière épuisées. Margot m’a proposé de venir chez elle. Lucie s’était déjà arrangée pour rester un peu aussi. Elle arrivait de Rennes. Elle avait laissé son mari et ses deux enfants là-bas.
Lucie est la petite sœur de Solal. Elle a 28 ans. Elle est professeur d’histoire dans un collège privé du centre-ville. Elle est mariée depuis cinq ans avec Paul, un ingénieur qui travaille chez Orange. Lucie et Solal sont très proches, mais l’arrivée de Paul a parasité leur relation. Solal ne supporte pas le côté « Monsieur je sais tout » de Paul. En réunion de famille, il monopolise la parole. Il a un avis sur tout et il a les faveurs de Margot qui le trouve très intelligent. Lucie reste soumise dans ces moments-là. Solal ne la reconnaît plus. Cela l’agace et du coup, il joue les provocateurs. Le repas devient une lutte sans merci entre les deux mâles. C’est souvent Margot qui est obligée de faire cesser cette joute verbale en élevant la voix.
Le dernier repas de famille s’est terminé ainsi. C’était un mois avant l’accident de Solal. Margot s’est enfuie dans la cuisine pour pleurer et sortir le gâteau, après avoir interrompu une conversation stérile mais agressive entre les deux hommes. Lucie l’a rejointe et l’a prise dans ses bras. En débarrassant, j’ai surpris leur conversation :
– Pourquoi est-il comme cela ? – Je ne sais pas maman… C’est peut être depuis la mort de papa… – Oui, tu as sans doute raison… Son père lui manque… Tu m’excuseras auprès de Paul. – Pourquoi ? – Pour l’attitude de Solal… – Ne t’inquiète pas, Maman. Paul est un grand garçon ! – A la différence de Solal… J’ai l’impression qu’il a toujours 16 ans ! Et toi ça va, ma fille ? Tu t’en sors avec Léa et Zoé ? – Oui, ça va… Je suis un peu fatiguée en ce moment… Les vacances seront les bienvenues… – Prends soin de toi… Tu as fait une prise de sang, récemment ? – Laisse tomber, Maman. Je suis crevée, c’est tout ! Entre la maison, les filles et le boulot, tu comprendras que ce n’est pas facile tous les jours. – Et Paul ? Il t’aide ? – Maman ! Il bosse dix heures par jour ! Je ne vais pas l’obliger en plus à faire le ménage et la vaisselle ! On a décidé de prendre une femme de ménage pour que je puisse respirer un peu. Et puis les filles iront un peu plus à la garderie.
J’aime bien Paul et Lucie. Ils forment un couple solide. Ils ont deux filles adorables. Je m’entends bien avec Lucie. Nous sommes relativement complices. C’est vrai que Paul peut agacer avec ses airs, mais il y a pire. Ce qui énerve Solal, c’est sans doute qu’il lui a volé sa sœur et qu’il est presque parfait ! Ce qui n’est pas son cas. En tout cas, c’est ce qu’il pense. Secrètement, j’imagine qu’il est content que sa sœur soit tombée sur un mec comme lui… C’est le paradoxe de Solal ! J’ai toussoté en arrivant avec ma pile d’assiettes.
– Oh, Lilou ! Merci, mais ne te dérange pas, je vais m’en occuper ! – Laissez, Margot ! Je ne suis pas en sucre ! Je peux donner un coup de main ! – Merci Lilou. Il va bien en ce moment Solal ? – Oui, il a la forme ! Il écrit un roman. – Ah bon ? Il ne nous en a pas parlé ! s’exclame Lucie en prenant sa mère à témoin. – Oui, je sais, mais il souhaite vous faire une surprise ! Et vous connaissez les écrivains ! Ne lui dites rien, s’il vous plaît ! – Bien sûr, Lilou. C’est un roman sur quoi ? – C’est une histoire d’amour… C’est très beau…
J’ai pleuré sans me cacher. Margot et Lucie étaient bouleversées de me voir dans cet état. Elles m’ont embrassée. Nous sommes restées mêlées comme cela plusieurs minutes.
En sortant de l’hôpital, j’ai dit à Margot que je souhaitais rentrer chez moi pour me reposer. Elle n’a pas insisté.
A suivre