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TARAN by Gwen Le Tallec (Ch 18 & 19)


18

– Allô Costa ? Ramenez-vous, je me suis réveillé… Dites à Léa d’apporter son matos. Vous pouvez m’acheter un paquet de Peter Stuyvesant ?

– Bien commissaire.

Je dépose mon portable sur la table du salon.

Je me rends compte que c’est un capharnaüm chez moi.

Je me force à faire un peu de ménage. Je jette à la poubelle deux bouteilles de Bordeaux vides et des boites de conserves éventrées. Je nettoie la moquette imbibée de vin, passe un coup d’aspirateur et m’affale sur le canapé.

Depuis que Tifenn n’est plus là, ma vie est un grand chantier. Des cartons non déballés traînent un peu partout dans la maison. Je n’ai investi que le salon et la chambre du bas. A l’étage, je n’y vais pratiquement jamais, excepté pour récupérer des vêtements.

Je sens mauvais. Un mélange d’odeurs d’hôpital, de sueur et de crasse forme sur moi une deuxième peau… Je me dégoute… Je décide de quitter cette exuvie en allant prendre une douche.

Cela me fait le plus grand bien. Je regarde mon visage dans le miroir. Je vois un homme fatigué, cerné, qui fait dix ans de plus que son âge. Des cheveux blancs tentent d’envahir ma tignasse noire. Mes yeux bleus me rappellent que j’ai été un bel homme. Enfin, c’est Tifenn qui me le disait constamment. Elle aimait se serrer contre mon corps musclé et fourrer son nez dans mon cou et aspirant fort et en me disant : «Ça sent toi, j’adore… ». Depuis un an, je me détruis. Il faut que je sache… Je me le suis promis hier dans la voiture, ce week-end j’irai voir ce libraire. J’irai voir l’endroit où Tifenn se sentait bien… J’irai voir le lieu où elle a perdu la vie…

La sonnette de la porte d’entrée retentit. Je dévale les escaliers et accueille mes collègues avec le sourire.

– Vous avez meilleure mine commissaire !

– Merci Léa ! Je ne vous fais pas le même compliment, vous êtes toujours rayonnante !

– Le sport, commissaire, le sport !

– Ouais, bon, à ce propos, vous m’avez apporté les cigarettes, Costa ?

– Oui, tenez !

J’allume une cigarette. Je cherche le cendrier. J’ai dû le ranger. Je vais dans la cuisine et reviens avec une coupelle destinée plutôt à recevoir des olives.

– Alors ?

– Commissaire, j’ai sélectionné trente profils Facebook qui me semblent suspects. Profils espions pour la plupart. Généralement ce sont des voyeurs ou des entreprises qui fouillent dans la vie des gens. Pour moi, c’est la même chose…

– Comment vas-tu les retrouver ?

– C’est simple ! Chaque ordinateur a une adresse IP. Tous les sites internet conservent les adresses qui contiennent les informations personnelles de chaque utilisateur durant un an. Nous avons fait une demande à Facebook France pour obtenir les données confidentielles de ces internautes. Nous les aurons demain dans l’après-midi.

– Beau travail, Léa ! Dès que vous avez les adresses de ces personnes, on met toutes les équipes dessus. On demande de l’aide à la police et à la gendarmerie pour effectuer les contrôles.

– Bien, commissaire.

– Costa ?

– J’ai passé ma journée d’hier à interroger les proches des victimes pour tenter de trouver un lien entre elles.

– Et alors ?

– Que dalle !

– Rien...

– Rien commissaire ! Il n’y a aucun point commun entre Julie Bozec et son ami Etienne Mirsac, Hélène Guirriec, Camille Lahouen et Kaelig Fanch.

– Comment va Kaelig Fanch ?

– Elle s’est réveillée. L’opération s’est bien passée.

– On peut la voir ?

– Oui, le médecin nous autorise une courte visite en fin de matinée.

– Parfait ! Je vous offre un café et on y va !

– Avec plaisir, commissaire !

– Quand vous êtes chez moi, vous pouvez m’appelez Taran.

Je prépare une cafetière et nous prenons une tasse de café brulant.

– Comment allez-vous, com… Taran ?

– Bien, merci Léa. Je ne serai pas là ce week-end. Je pars demain matin me reposer à Saint-Malo …

Je comprends à son air dubitatif que Costa ne me croit pas, mais il ne relève pas. Il sait que ma femme a disparu là-bas, et que ce n’est certainement pas à cet endroit que j’irais passer un week-end tranquille.

Nous partons en voiture vers l’hôpital. Nous déposons Léa au SRPJ. Elle attend la liste des suspects de Facebook. Notre enquête progresse enfin !

19

Nous arrivons à l’hôpital. On va finir par prendre une chambre ici. Tous les jours cette affaire nous donne rendez-vous en ce lieu pour visiter les survivants et les morts victimes de notre muntrer... Tueur en breton. C’est le nom que nous lui avons donné. Une idée de Léa.

Nous nous dirigeons vers la chambre de Kaelig Fanch, la femme qui a reçu une flèche de harpon dans le ventre.

Atroce… Ce type est malade, il faut absolument l’arrêter.

Nous entrons après avoir reçu l’accord de l’infirmière. Kaelig Fanch sommeille. Elle est très belle même si dans ce lit, elle est d’une blancheur à faire peur. Elle ouvre les yeux. Son regard est vide. Elle tourne la tête vers nous et n’a aucun signe de surprise. Sa langue tente d’humidifier ses lèvres, elle a soif. Je m’approche du lit, lui sert un verre d’eau et le lui tends. Elle me regarde et murmure :

– J’vous reconnais. C’est vous mon sauveur ?

– Oui… Je suis le commissaire Taran Courteline…

– Commissaire… La classe… Taran ? C’est tonnerre en breton… Vous êtes du coin ?

– Non… Je suis né à Paris et j’y ai vécu mais mes parents vivaient dans le coin… Au Conquet… d’où ce prénom étrange…

– C’est chouette… Oh putain, j’ai mal… Ce fou m’a défoncé le bide…

– Avec une flèche de harpon, oui.

Kaelig reprend des couleurs après avoir bu le verre d’eau.

– Oui, je sais… Le type a sonné à ma porte. J’étais au téléphone avec un copain et sur le point de raccrocher quand j’ai ouvert. J’ai immédiatement vu le harpon et la tête cagoulée du gars. Par instinct, j’ai donné un coup de pied dans la porte juste au moment où il tirait. La flèche a ripé sur la porte et s’est enfoncée dans mon bide… Le salaud… J’ai réussi à fermer le verrou avant de m’écrouler. La flèche était fixée au harpon par un bout1. J’avais encore mon téléphone en main. J’ai alerté la police. Il donnait des coups de pied dans la porte. J’ai perdu connaissance quelques instants. Quand j’ai ouvert à nouveau les yeux, je vous ai vu… Merci…

– Je n’ai fait que mon travail… Vous rappelez-vous de quelque chose d’autre ?

– Non, il était masqué et tout en noir…

Elle se souvient tout à coup.

– Il a juste prononcé un truc bizarre…

– Ah bon ? Quoi ?

– Il a dit : « Je suis celui qui vient venger les anges. »

Costa note l’information sur un calepin.

– Vous dirigez un club de plongée ?

– Oui, depuis cinq ans, avec mon associé Jean-Christophe. On est potes depuis le lycée.

– Vous avez des ennemis ?

– Ouah !!! Avec vos questions, on se croirait dans une série policière ! J’adore… Non je ne crois pas avoir d’ennemis à proprement parler…

Kaelig a brusquement une quinte de toux Elle a dû mal à reprendre son souffle et elle met sa main sur son ventre. Chaque soubresaut de son corps la fait atrocement souffrir.

– Ça va ?

Je regarde Costa pour lui demander d’appeler une infirmière. Il sort de la chambre.

A cet instant, Kaelig me prend la main.

– Taran… Retrouvez ce taré… C’est un mec déterminé…

Elle me serre fort la main.

Je suis bouleversé par cette femme. Je ne comprends pas… Elle est forte, drôle et terriblement séduisante. C’est la première fois que j’ose ce genre de pensée depuis la disparition de Tifenn… Penser à ma femme me fait tout de suite reprendre un air grave.

– Promis… Je dois y aller. Et vous, prenez soin de vous.

Elle me lâche la main. Elle semble épuisée maintenant.

– Je vais me reposer, Taran… Je penserai à vous…

– Au revoir Kaelig…

Dans le couloir, Costa discute avec l’infirmière.

Je lui signifie qu’elle s’est endormie. Le médecin arrive à cet instant.

– Bonjour, je suis le commissaire Courteline et voici le capitaine Costa.

– Bonjour, je vais faire ma consultation auprès de Madame Fanch. Elle a eu énormément de chance.

Son geste de survie l’a sauvée.

– Elle aura des séquelles ?

– Je ne sais pas encore… Son utérus a été touché… Nous avons fait le maximum mais elle pourrait avoir des difficultés à avoir un autre enfant…

– Bien, nous vous remercions docteur.

Nous le saluons et sortons de l’hôpital.

En marchant vers la voiture, je demande à Costa :

– Tu ne m’avais pas dit qu’elle avait un enfant ?

– Je ne savais pas commissaire. En tout cas, il ne vit pas avec elle car il n’y a aucun signe se rapportant à la présence d’un enfant dans sa maison.

–…

– Commissaire ?

– Ah oui, merci Costa… On rentre au SRPJ pour voir si Léa a obtenu la liste des suspects de Facebook.

Au sujet de l'Auteur :

Gwen Le Tallec

Auteur de romans et de nouvelles

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