TROIS JOURS A BARCELONE (6)
Présentation : Gwen Le Tallec Auteur de romans jeunesse et de nouvelles
Site pro : http://www.gwen-le-tallec.fr/
Facebook(s) :
https://www.facebook.com/gwen.letallec & https://www.facebook.com/Gwenargan35/
Introduction :
EVENEMENT ! bfr le Mag' s'ouvre aux auteurs, et quels auteurs !
Gwen Le Tallec , que nous avions rencontré et interviewé il y a 6 mois
nous offre pour un RDV HEBDOMADAIRE sur bfr e Mag', la lecture de son dernier ROMAN !
Interview : https://youtu.be/4PvUEjfLcbA,
Chapitre 6 Rendez-vous à Jersey
– Vous savez ce qu’il m’a fait, l’année dernière ? – Racontez-moi ! – C’était un vendredi en fin d’après-midi.
Solal m’avait dit qu’il travaillerait toute la journée sur son roman.
J’avais eu une journée difficile avec des Russes, spécialement venus rencontrer mon patron pour un gros contrat.
Mon chef m’avait mis la pression pour que tout se passe bien.
J’ai terminé à 19h30, exténuée, heureuse à l’idée de retrouver Solal qui m’avait certainement préparé un petit apéro et un bon repas.
Je suis arrivée à la maison avec le sourire.
Je suis entrée, j’ai balancé mon sac et mon manteau sur le canapé et j’ai crié :
– Solal ? Personne. Je me suis subitement inquiétée. Il n’y avait pas un bruit…
Vous suivez Armand ? – Je suis accroché à vos lèvres, si je puis me permettre !
Je souris… Armand a dû être un grand charmeur dans sa jeunesse…
Même à plus de 70 ans, il a encore beaucoup de charme et de charisme.
Je rougis sans m’en rendre compte, et je poursuis.
– Où en étais-je ? – Pas de Solal dans la maison… – Oui, c’est ça ! Merci ! Donc, inquiète, je cherche dans toute la maison.
Je dois me rendre à l’évidence au bout de quelques minutes.
Solal n’est pas là… Il est parti… Une angoisse me prend.
Je tente de l’appeler sur son portable. Je tombe directement sur son répondeur.
– Où était-il alors ? me demande Armand, intrigué. – Finalement, j’ai trouvé une enveloppe sur la table de la cuisine… – Il vous avait quitté ?! – Non, il me donnait des instructions pour venir le rejoindre pour le week-end. – Où ? – Sur l’île de Jersey ! Je devais partir le samedi matin à 8h00 par le Condor Ferry. – C’est fantastique ! – Fantastique ? J’ai horreur de voyager et horreur de la mer ! J’ai le mal de mer ! – Désolé, je ne savais pas… Ce n’est pas banal, vous l’avouerez. – J’ai vomi pendant toute la traversée. Je suis arrivée vidée sur l’île… C’était magnifique… Le pire, c’est qu’il ne m’attendait pas à la gare maritime, cet idiot ! – Où, alors ? – Sur une plage ! – Exceptionnel ! – Armand ! On dirait que vous êtes de son côté ! – Comment ça ? – Il aurait pu me prévenir, non ? – Vous avez raison ! Poursuivez ! Oh, si Rose avait pu entendre ça ! Elle serait ravie ! – Il m’avait donné rendez-vous à Saint-Brelade.
J’ai pris le bus.
Je me suis endormie.
C’est le chauffeur qui m’a réveillée une fois arrivée au terminus.
Je suis descendue et j’ai découvert une plage magnifique.
Une petite église était plantée sur la falaise face à moi. J’ai fait quelques pas.
Il y avait un bar avec une grande terrasse surplombant la plage.
J’ai vu Solal. Il m’attendait devant un café latte. Il me souriait.
Je me suis plantée devant lui. J’ai crié
– T’es complétement malade, Solal !
Le serveur est arrivé avec un café. Je me suis assise.
Je l’ai regardé. Il n’avait toujours pas décroché un mot. Je me suis calmée.
J’ai versé un peu de sucre et bu une gorgée.
On était dans un endroit féerique… Il m’a dit :
– On n’est pas bien, ici ! A la fraîche ! Décontracté du… – Arrête, Solal !!!
J’ai éclaté de rire ! Il est le spécialiste des citations pourries tirées de films plus ou moins célèbres. En l’occurrence, il citait Depardieu dans les Valseuses !
– Très drôle ! Je connais la suite ! Rose adorait ce film ! Et alors ? – Et alors… On s’est baladés longuement sur la plage.
On a visité l’église qui abritait dans son jardin un cimetière avec des croix datant du Moyen-Âge. J’ai allumé un cierge en pensant à mon père que je n’ai jamais connu. Ensuite, nous sommes repartis à Saint-Hélier, la ville centre de Jersey. Dans la rue principale, avec ses banques et ses magasins de mode, nous avons fait du shopping. J’ai acheté le dernier album d’Adèle dans un magasin de musique. Nous avons mangé dans un restaurant, Le Lido’s.
A 18h00, nous avons repris le bateau…
Le soleil se couchait et un couple de dauphins nous a accompagnés pendant plusieurs minutes. J’ai passé une journée formidable.
Solal était resté relativement silencieux. La beauté de l’île nous avait remplis…
– Vous pleurez… – Oui, parce que je n’avais pas pris conscience de ce qu’il m’avait offert ce jour-là… Il me disait qu’il m’aimait et moi je l’engueulais… – Oui, mais vous avez été conquise, non ? – Oui, c’est vrai… J’ai adoré cette journée, avec le recul… Je regrette… – Vous regrettez quoi ? – De ne pas l’avoir compris… De l’avoir chambré alors qu’il voulait me faire plaisir… Il voulait me faire lâcher prise… Me faire oublier le quotidien pour mieux l’accepter le lendemain. Le pire c’est qu’il m’a dit « merci »… – Pourquoi ? – Pour la journée… Pour être venue… C’était pour lui un signe d’amour… Il était ému… Je ne l’ai pas vu… Ou pas assez en tout cas… Il est quelle heure, Armand ? – 22h30 ! – Déjà ! Je dois rentrer ! – Pourquoi ? Vous avez quelque chose à faire ? – Non… On prend un dernier verre ? – Avec plaisir ! Je vous laisserai ensuite car mes vieux os ne me permettent plus de veiller trop tard. Alors que faites-vous demain ? – Je ne sais pas ! Peut-être le quartier El Born pour faire du shopping et visiter le musée de Picasso. – Très bon choix ! Rose adorait les deux ! Armand est charmant. Je suis bien ce soir… Cela fait longtemps que cela ne m’était pas arrivé. Armand, en gentleman, me laisse devant mon hôtel. – Merci Armand. – Ce fût un plaisir, Lilou ! Je vous donne rendez-vous après-demain pour l’apéritif, si vous le voulez. Vous me raconterez vos visites et nous continuerons à palabrer. Qu’en pensez-vous ? – Oh, oui ! Avec un grand plaisir ! A mercredi ! – Lilou ! – Oui, Armand ! – Votre père. Il vous manque ? – Oui… A chaque fois que je vais dans une église, j’allume un cierge pour lui… – Je suis sûr que là où il est, il pense à vous ! – Il ne sait même pas que j’existe ! –…
Je quitte Armand. Il me sourit. J’ai la force de continuer. Je salue le réceptionniste. Je monte les escaliers. J’entre dans ma chambre. Après une courte toilette, je me glisse dans les draps frais.
J’allume la télé et tombe sur la seule chaîne française.
Je m’endors épuisée, apaisée… Une larme isolée glisse sur l’oreiller.