TROIS JOURS A BARCELONE (8)
Présentation : Gwen Le Tallec Auteur de romans jeunesse et de nouvelles
Site pro : http://www.gwen-le-tallec.fr/
Facebook(s) :
https://www.facebook.com/gwen.letallec & https://www.facebook.com/Gwenargan35/
Introduction :
EVENEMENT ! bfr le Mag' s'ouvre aux auteurs, et quels auteurs !
Gwen Le Tallec , que nous avions rencontré et interviewé il y a 6 mois
nous offre pour un RDV HEBDOMADAIRE sur bfr e Mag', la lecture de son dernier ROMAN !
Interview : https://youtu.be/4PvUEjfLcbA,
Chapitre 8 : La salamandre
Finalement, je décide de visiter le parc Güell.
Armand me l’a tellement vanté que je n’ai plus la patience d’attendre.
Il est tôt, il fait déjà beau. Je marche d’un pas rapide.
Je m’arrête devant un magasin de chaussures que j’avais repéré hier.
J’entre sans réfléchir.
Je demande à la vendeuse de me montrer un modèle « été » que toutes les
jeunes barcelonaises ont aux pieds.
Je suis conquise et repars, chaussures aux pieds, vers le mythique Parc.
Je remonte une grande rue, la Passeig de Gracia puis
la carrer de Gran Gracia. Enfin, je m’échappe de cette grande artère.
Quelques minutes plus tard, je flâne dans le Passatge Napoléo puis je replonge dans
les avenues bruyantes. Je monte la Carrer de Larrard. Exténuée,
je débouche enfin sur la Carrer d’Olot devant le parc Güell.
Je m’arrête pour boire un peu d’eau.
Je savoure cet instant. Il y a peu de monde à l’entrée.
Je passe par la billetterie et entre
dans l’univers de Gaudi…
Une statue à tête de serpent m’accueille en haut des premières marches.
Je lui tire la langue, comme une gamine.
Je fais face à deux escaliers.
Au centre, un groupe d’enfants s’agite.
Un animateur s’échine à commenter la visite, mais c’est peine perdue.
Les enfants jouent sur des portables ou discutent sans écouter leur guide.
Je monte par la gauche.
Je regarde machinalement les gamins bruyants.
Cela me rappelle les sorties de classe au collège.
Je me souviens notamment d’un périple au Mont Saint-Michel.
Il avait plu toute la journée, mais c’était grandiose !
En chahutant, le groupe d’enfants s’est scindé en deux et je l’ai aperçue…
– Quand tu iras à Barcelone, tu chercheras la Salamandre et la ville sera à toi !
Solal m’avait dit ça un jour où nous parlions
de son séjour à Barcelone, un an avant
de me rencontrer.
J’avais trouvé cela énigmatique mais c’était une habitude avec lui.
Je ne me souvenais plus de cette conversation. Nous étions ce week-end-là sur la
plage du Havre du Lupin à Rotheneuf,
à côté de Saint-Malo.
Nous avions rencontré
un couple sympa là-bas. Ils avaient une fille adorable… Anna, je crois…
Elle, c’était Zoé et lui… J’ai oublié mais il était romancier !
Nous avions pris l’apéro ensemble et puis
nous nous étions séparés.
Ils avaient le projet de partir pour la Martinique. Solal était fasciné par cet homme et surtout
par l’idée de partir un jour aux Antilles…
C’était un peu son rêve.
Vivre au soleil,
boire du rhum et ne rien glander !
Il avait adoré Barcelone.
C’était le jour où il m’a parlé de cette Salamandre.
« En apercevant la Salamandre »,
ses mots ont ressurgi de ma mémoire.
Je me retiens au rebord de l’escalier…
J’ai un étourdissement.
Je me mets à pleurer, je vomis mon p’tit déj…
Cela éclabousse un vieux touriste français.
– Nom de Dieu ! Elle a gerbé sur mes pompes, la donzelle !
Sa femme plus compatissante s’approche de moi.
– Excusez-le, Albert est un rustre. Comment allez-vous, jeune fille ?
– Bien, merci…
– Oh, vous êtes française ! Albert ! C’est une française !
– M’en fous ! Mes chaussures sont bousillées !
– Arrête donc de grogner ! Donne-moi plutôt les mouchoirs en papier dans le sac à
dos.
Le vieux s’exécute. Il tend les mouchoirs à sa femme en s’excusant.
– Désolé, jeune fille mais je ne supporte pas la chaleur et les escaliers !
Et puis cette nourriture espagnole… Cela me donne des gaz…
– Albert ! Tu n’as pas autre chose à dire à une inconnue ?
– C’est rien, Madame ! Il est drôle votre mari ! Je m’appelle Lilou.
– Ah, vous retrouvez des couleurs, mon enfant !
– Vous avez surement mangé quelque chose de pas frais ! Avec tous leurs tapas qui
traînent sur les comptoirs ! Cela ne m’étonne pas ! Vous voulez qu’on vous ramène à
votre hôtel ?
– Non, merci… Je vais mieux… Je crois que j’ai trop mangé ce matin… Merci,
Madame.
– Berthe pour vous servir !
Le vieux ajoute :
– C’est pas grâce à son prénom qu’on s’est marié, vous savez !
Je souris, puis je ris aux éclats !
– Elle est plutôt jolie, la p’tite ! s’exclame Albert me regardant.
– Merci Madame Berthe ! Je vais mieux. Je crois que je vais continuer ma visite.
– Très bien, je suis rassurée ! Nous restons ici la matinée. Si vous avez besoin de
quoi que ce soit, n’hésitez pas !
– Merci, Berthe ! Adios !
Le couple de français s’éloigne. J’entends encore Albert marmonner au loin.
Je me sens un peu barbouillée et je décide de m’installer dans un coin tranquille
pour me reposer.
J’observe encore la Salamandre. Il y a plusieurs teintes de bleu et d’orange.
C’est beau…
Je tends la main pour toucher l’œuvre d’art.
Je ferme les yeux quelques instants.
Je respire à fond. Je vais mieux… Solal est venu ici.
Je vais suivre ses pas, ce n’était pas prévu.
En haut des escaliers, je découvre la salle aux cent colonnes.
En fait, la brochure que j’ai récupérée indique qu’il n’y en a que quatre-vingt-six.
Je déambule et profite de la fraicheur relative des lieux.
Je regarde une petite fille courir après un pigeon.
Elle rigole de plaisir. J’entends sa maman lui crier :
– Anaé ! Tu viens ma chérie ?
Je poursuis la montée des marches pour découvrir ce qu’il entendait par « La ville
sera à toi. »
L’escalier donne sur une grande esplanade.
Un banc en mosaïque cerne cet espace.
Je m’approche du point de vue et je comprends ses mots.
J’ai une vue incroyable sur Barcelone.
Au-delà de l’entrée du parc, la ville et son léger voile de brume matinale s’offrent à moi…
C’est l’extase…
Je ressens encore un étourdissement.
Je m’allonge sur le banc frais.
Je m’endors paisiblement…