TROIS JOURS A BARCELONE (17)
Troisième jour-Le prénom
Je me réveille. Je ne sais plus où je suis. Je tourne la tête. La chambre est vide. Je
panique. Berthe entre dans la chambre en s’exclamant :
– Tu peux sortir, ma chérie !
Elle m’a appelée ma chérie… c’est mignon. Je me suis attachée à Berthe et à Albert.
C’est comme une famille…
– Chouette ! Quand ?
– Quand tu seras prête. Le médecin dit que ta grossesse se passe bien.
– Ma grossesse !
–…
– J’avais oublié…
– C’est normal, Lilou… Nous allons rentrer à l’hôtel. Tu souhaites te reposer ?
– Non, j’aimerais bien profiter de mon dernier jour à Barcelone.
Le taxi nous dépose à l’hôtel. J’embrasse très fort mes deux anges gardiens. Nous
nous promettons de nous voir le soir, avant mon départ demain matin.
Berthe est en larmes. C’est moi qui la réconforte.
– Je ne suis plus seule maintenant, Berthe. J’ai la vie en moi. J’ai envie de vivre !
– Fais attention à toi quand même, ma chérie.
Je monte dans ma chambre pour me changer. J’essaie une petite robe que j’ai
achetée le premier jour. Je m’étais dit que je n’oserais jamais la mettre et pourtant...
Elle est très légère. Elle est fleurie et remonte au-dessus des genoux.
En me déshabillant, je regarde mon ventre. Il s’est arrondi étrangement.
Je suis enceinte de quatre mois…
Je tente de me souvenir du moment où nous avons pu concevoir ce petit être.
Cela devait être le jour où Solal m’a demandée en mariage… dans la voiture.
Mon Dieu ! Jamais je ne pourrai dire la vérité au bébé !
Comment allons-nous l’appeler ?
Je me souviens, nous avions eu cette conversation avec Solal quelques jours après
sa demande en mariage… C’était le jour de Noël. Nous avions décidé de réveillonner
tous les deux, chez nous à Saint-Malo. Nos parents nous ont invités mais nous
avons refusé.
J’avais cuisiné un risotto aux cèpes. Solal avait préparé un gâteau au chocolat. C’est
sa spécialité. On avait décidé de se regarder un de nos films fétiches : Le cœur des
hommes.
Pendant le repas, c’est Solal qui a abordé le sujet.
– On l’appellera comment notre fils ?
– Quoi ? Notre fils ?
– Ben, oui ! On aura certainement un fils. Je le sens.
– Et si c’est une fille ?
– On la fera disparaître, comme en Chine !
– Mais t’es malade ! Moi je veux une fille !
– Bon… Comment on appellera notre fils ou notre fille même si c’est peu probable !
Je lui saute dessus. Le risotto manque de se fracasser par terre. Nous tombons sur
le tapis du salon. Je le chatouille. Solal est très chatouilleux, c’est son point faible.
Il rit à en mourir et me supplie d’arrêter.
– Alors, tu arrêtes de dire qu’on aura un fils ? Il faut laisser la nature faire son boulot !
– Ok ! J’en peux plus ! J’vais crever à rire !!!
On se relève et nous reprenons notre repas.
– Alors ?
– Alors quoi, ma chérie ?
– Tu as des idées de prénom ?
– J’aime bien Marcel ou Roger.
– Tu déconnes ?
– Non, mais j’hésite avec un autre…
– Lequel ? Fais-moi rire !
– Fernand !
– Mais t’es cinglé Solal !!! C’est super moche !
– Tu sais que les vieux prénoms reviennent !
– J’m’en fous ! Des vieux prénoms pourris, oui ! Enfin pour un bébé !
–…
– Et puis ce ne sont que des prénoms de garçon ! Et si c’est une fille ?
– J’ai pensé à Victorine.
– Mon Dieu !!! Je n’aurai jamais de gosses avec toi ! Tu es un psychopathe !
D’ailleurs cela fait un moment que je le sais !
Je me lève et débarrasse les assiettes pour apporter le gâteau.
– Et toi, mon amour ? Tu aimes quoi, comme prénoms ?
– Ta gueule !!!
– Lilou ! C’est Noël ! On ne va pas se faire la tête quand même ?
Je reviens avec le gâteau et mon regard noir. Il me tire la langue. Il a installé dans un
vase une petite rose sur la table. J’abdique… Ma mauvaise humeur s’évapore et je
me rassois.
– C’est gentil, ça !
– Je t’aime…
– Moi aussi… Emma, Sarah, Rose, Léa… J’aime bien Anna, aussi… Comme la
petite fille que nous avions rencontrée sur la plage de Rothéneuf avec ses parents.
Tu te souviens ?
– Oui… C’est un joli prénom… Mais il n’y a que des filles ?
– Nathan, Benjamin, Mathéo, Théo…
– Ouais, pas mal… Jules… J’aime bien, Jules.
Je regarde Solal dans les yeux. Nous restons une minute comme cela, à ne rien dire.
– Tu crois qu’on sera des bons parents Solal ?
– Je ne sais pas… C’est vrai qu’on est un peu déjanté. Enfin, surtout moi… Toi, tu
feras une bonne maman. Moi je ferai de mon mieux…
– Tu feras un bon père… Je le sens… Et puis une mère raisonnable et un père
excentrique, ça fera de notre enfant un être équilibré !
Nous avons fait l’amour toute la soirée devant Le cœur des hommes… C’est le plus
beau Noël de ma vie…
Devant la glace de ma chambre d’hôtel à Barcelone, je regarde mon ventre. Je le
caresse. Les larmes aux yeux, j’arrive à prononcer :
– On sera fortes toutes les deux… Anna. Papa va s’en tirer… Ne t’en fais pas, tout va
bien…
Avant de quitter l’hôpital, le médecin m’a annoncé que nous attendions une fille.
Au sujet de l'Auteur :
Gwen Le Tallec Auteur de romans jeunesse et de nouvelles
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Introduction :
EVENEMENT ! LE MAG' s'ouvre aux auteurs, et quels auteurs !
Gwen Le Tallec , que nous avions rencontré et interviewé il y a 6 mois nous offre pour un RDV HEBDOMADAIRE sur LE MAG'.