TROIS JOURS A BARCELONNE (24 & 25)
– 24 – Antoine
Nous restons comme cela pendant un long moment. Antoine m’embrasse les cheveux et n’arrête pas de me répéter : « excuse-moi ma chérie… ». Le téléphone d’Antoine est tombé au sol. Camille a dû raccrocher. Je finis par me calmer. J’ai senti le bébé me donner un nouveau coup de pied. Je m’assieds, épuisée.
– Ça va Lilou ? – Oui, merci… Je suis confrontée à beaucoup d’émotions ces dernières semaines. – Je sais… – Qu’avez-vous manigancé avec ma mère ? – Oh ! C’est très simple, Lilou. Tout ce que je t’ai dit est vrai à une chose près. Je me suis installé à Barcelone pour finir paisiblement mes jours. J’ai régulièrement de tes nouvelles par ta maman. Nous sommes toujours restés en contact. Quand elle a su que tu souhaitais partir seule à Barcelone, elle n’a pas hésité. Elle m’a informé de ton histoire tragique et elle m’a demandé de veiller sur toi. Camille m’a donné le nom de ton hôtel. J’ai surveillé ton arrivée et je t’ai suivie le premier jour… Tu connais la suite… C’était le plus beau jour de ma vie quand je t’ai rencontrée. J’ai parfois oublié quelques secondes que nous avions promis de garder le silence sur mon existence en tant que père. Tu as dû me prendre pour un fou ! Je ne sais pas comment réagir. Je ne sais pas si je suis furieuse contre ma mère et ce nouveau père ou attendrie par tant d’inquiétude. Je reste prostrée pendant quelques instants. – C’est pour cela que vous parliez de ma mère quand je vous ai dit que j’étais enceinte. – Oui… Je suis tellement heureux pour vous deux ! C’est magnifique ! – Sauf si Solal crève dans sa chambre d’hôpital…
Je prends immédiatement conscience de la violence de mes mots.
–… – Je suis désolée, Ar… Antoine. – Ce n’est rien, je comprends. Tu vis des choses tellement difficiles et inattendues. – Ce voyage m’a fait du bien. Je vais mieux et mon état m’oblige à continuer la lutte, seule ou avec Solal. Tu fais partie de ce voyage, Antoine… Papa ? Tu m’as aidée et jamais je ne l’oublierai. J’aimerai te revoir plus tard ? – Bien sûr ! Je ne bouge plus de Barcelone. Tu seras toujours la bienvenue, Lilou. – Merci… Tu fais quoi dans la vie, à part être mon père ? – Je suis écrivain… – Ah bon ! – Oui… J’écris des romans. – Tu en vis ? – Oui, depuis toujours. – Mais je ne te connais pas ! – Sans doute que si… Je suis Antoine Courteline. – Mon Dieu ! J’ai lu tous tes romans, c’est maman qui… Oui, je comprends mieux maintenant… J’adore tes livres. – Merci, Lilou. – Tu m’invites au restaurant comme le premier jour ? – Oui ! Je connais un petit restaurant ! – Oui, ne te casse pas, je connais ! Lilou et Antoine quittent la Plaça Reial. – Papa ? Tu écris un autre roman ? – Oui. – C’est quoi ? – L’histoire d’une jeune femme qui arrive à Barcelone pour se reconstruire. – Pourquoi ? – Son mari a disparu soudainement à la Martinique. Il était en voyage d’affaires. – Elle le retrouve ? – Oui… Il a finalement décidé un jour de changer de vie. – C’est courageux… Mais c’est un salaud… – Sans doute. – Certainement ! – Il fait frais, Lilou. Tu veux mon écharpe ? – Oui, merci Papa. Tu sais ? Bébé vient de me donner des coups de pieds dans le ventre. – Exceptionnel ! Comment allez-vous l’appeler ? – Oh !!! C’est un sujet polémique avec Solal ! Tu as combien de temps devant toi ? – Le reste de ma vie…
– 25 – La dispute
Le matin du 2 mars 2016…
– J’ai passé une super journée hier, mon amour… – Moi aussi ma chérie. J’ai adoré notre baignade ! – Ouais ! Toute la plage nous a vus courir à poil !!! – Et alors ? Il n’y avait que ce vieux couple ! Sympa d’ailleurs ! J’ai un rencard avec mon éditeur ce matin. On mange ensemble ce midi ? – Ok ! On se fait un pique-nique ? Je bosse chez Phytomer, à Rothéneuf depuis six mois. C’est une entreprise qui fabrique des cosmétiques à base d’algues. Tous les matins, je vais bosser à deux pas de la plage du Pont à côté de la pointe de la Varde… Le rêve. – On se rejoint sur la plage vers midi ? J’amène des bières ! – Et moi, je me tape le pique-nique, c’est ça ? – Ben ouais ! – Tu es vraiment un sale type, Solal Marion !!! – Oui mais je t’aime ! Et ce soir c’est le grand soir ! J’ai hâte d’y être ! – Ouais… Tu me laisses pour aller voir un ringard en concert avec tes potes… – Un ringard ! Je préfère partir !!! Bisous.
Solal claque la porte. J’abuse un peu mais c’est viscéral. J’ai du mal à comprendre qu’il ait besoin de sortir avec ses potes sans moi ! Moi, je ne conçois pas de sortir sans lui avec mes copines ! En même temps, je n’ai pas beaucoup d’amies… Solal arrive vers 12h30 sur la plage du Pont. J’ai déjà mis la nappe et préparé l’apéro. Il fait beau, même si la température reste fraîche en ce mois de mars. J’ai gardé ma veste de mer. Il n’y a pas un chat sur la plage. La mer est haute. Il n’y a pas un souffle de vent. Tout est calme, c’est reposant… Je prends le soleil en fermant les yeux.
– Hello ! Voici les bières ! – Et ton rendez-vous ? – Super ! La sortie de mon roman est prévue en juin ! Il y a des corrections à faire mais j’en vois le bout ! – J’ai hâte de le lire intégralement ! – Tiens voici un exemplaire des épreuves non corrigées. Evidemment c’est « top secret » ! – Merci, mon amour ! Ça se finit bien j’espère ? – Tu verras ! – En tout cas j’espère qu’Aurore et Argan s’aimeront pour toute la vie ! –… – Tu veux de l’ananas, du pâté, du saucisson ? – De tout !
Nous pique-niquons sur la plage du Pont. Un goéland s’approche de nous pour tenter de chiper un peu de nourriture. Solal lui lance un os de poulet qu’il avale d’un coup. Il s’envole avec l’os dans la gorge.
– Ce sont des charognards, ces bestioles ! – Tu sais, Lilou… – Quoi ? – J’aimerais partir deux ou trois semaines en voyage… – Ouah super ! Où veux-tu qu’on aille ? – J’veux dire… J’aimerais partir seul en voyage… – Quand ? Pourquoi ? – Je ne sais pas, après notre mariage et notre lune de miel. J’aimerais faire un voyage pour me ressourcer et trouver l’inspiration pour un nouveau roman. La Thaïlande me dit bien. – Mais… Et nous ? – On fera un voyage après notre mariage et ça sera super ! Mais ensuite je repartirai seul, Lilou. Je ne suis pas pressé. Peut-être l’année prochaine. – C’est dingue ! Tu te rends compte de ce que tu me dis, Solal ! Tu me dis que tu vas te barrer en voyage sans moi comme ça ! On va se marier, Solal ! Je ne comprends pas. – Tu me connais, Lilou… J’ai besoin de respirer un peu. – Respirer !!! Tu te fous de moi Solal ? j’comprends rien ! Tu me demandes en mariage et quelques jours après tu me dis que tu pars en voyage seul ! J’en ai marre, j’me casse ! Je te laisse ramener les affaires ! – Lilou ! Mon amour ! – Merde !!!!
Je prends ma voiture et je pars au boulot. C’est la dernière fois que j’ai vu Solal.
Au sujet de l'Auteur :
Gwen Le Tallec Auteur de romans jeunesse et de nouvelles
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