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TARAN by Gwen Le Tallec (Chapitre 1)


Photo : https://www.pointeduraz.com/

Finistère…

Pointe du Raz.

Trois ombres marchent dans la nuit sur le bord de la falaise.

La lande se tord sous les bourrasques de vent venues du large.

Les nuages éclairés par la lune cavalent dans le ciel.

Dans un bruit assourdissant, la mer noire agitée s’écrase contre cette côte tourmentée.

Julie et Etienne se connaissent depuis un an. Ils ont tous les deux vingt-cinq ans.

Ce soir, ils fêtent leur rencontre et s’installent sur la plage des Sables-Blancs dans la baie de Douarnenez.

Etienne avait promis un bon restaurant mais en préambule, il a eu l’idée de boire le champagne sur la plage. Le temps se maintient et il espère éviter la pluie. Julie est ravie. Ils se sont rencontrés au festival des Vieilles Charrues à Carhaix.

Il était secouriste bénévole, elle était… ivre.

Julie a fait un coma éthylique.

Les pompiers l’ont amenée dans la tente de secours.

C’est Julien qui était de garde. Il l’a veillée jusqu’à l’arrivée de l’ambulance.

Elle a ouvert un œil juste avant de partir. Il a souri. Elle a vomi.

Ils se sont revus ensuite et se sont aimés. En ce jour de juin, le couple s’est installé sur la plage. Un peu plus loin une bande de jeunes braille et joue au foot. Ils se sont mis à l’écart, le plus près possible de la mer.

Etienne sort la bouteille de champagne et ils trinquent à leur amour. Ils boivent, rient et se souviennent de leur rencontre.

– Tu étais complètement bourrée mon amour ! – Mais non ! J’avais juste pris un verre ! Je ne sais pas ce qui m’est arrivé mais je ne regrette rien… Je ne t’aurais jamais rencontré… Je t’aime Etienne. Je suis heureuse que tu m’aies fait cette surprise sur cette plage… Même s’il y a… Ah ben non ! Ils sont partis les petits jeunes. On est enfin seuls !

Etienne s’approche… Ils s’embrassent fougueusement. La mer vient lécher leurs pieds. Julie pousse un cri de surprise ! Etienne rigole. Ils ne voient pas cet homme immense qui les scrute. Vêtu d’une veste de mer et d’un bonnet de marin sombre, il est planté devant eux depuis plusieurs minutes. En apercevant l’homme, Julie sursaute et se rapproche d’Etienne.

– Vous cherchez quelque chose, Monsieur ? demande Etienne. –… – Il est bizarre ce gars, Etienne. Viens, on se casse. Ils ne distinguent pas son visage. Etienne veut s’approcher de l’homme pour lui parler. – Ecoutez Monsieur, nous fêtons…

D’un geste rapide et précis, l’étranger frappe Etienne à la tête avec un manche de pioche.

Julie crie dans la nuit juste avant de recevoir un coup de poing dans le plexus et de s’évanouir… Quelques minutes plus tard, Etienne se réveille avec un mal de crâne atroce.

Julie est encore inconsciente à côté de lui. Ils sont enfermés dans une camionnette qui roule à tombeau ouvert.

Dans les virages, ils sont bringuebalés et projetés contre les parois du camion.

Des liens entravent leurs poignets et leurs chevilles. Julie se réveille. Effrayée, elle hurle en constatant leur situation.

– Chut !!! Julie ! Je suis là ! – Où sommes-nous ? Pourquoi il nous a enlevés, ce taré ! C’est qui ce type ? J’ai peur Etienne ! – Je ne sais pas… Mais il faut rester calmes et réfléchir. – Réfléchir ? C’est un malade ! Putain, il va nous tuer Etienne ! – Mais non ! Il n’y a aucune raison !

Le véhicule s’arrête brutalement. Le couple a tous les sens en alerte. La porte claque. Julie sursaute.

Elle regarde Etienne. Les yeux hagards, il se sent impuissant. L’homme ouvre la porte arrière. Etienne et Julie restent figés.

Il sort un couteau de boucher et coupe les liens qui retiennent leurs chevilles.

Il leur fait signe de descendre. Sans un mot, ils obéissent. Soudain Etienne se retourne et tente de discuter avec le ravisseur :

– Monsieur, s’il vous plaît, nous n’avons rien fait ! Que voulez-vous ? De l’argent ? Je dois avoir deux cents euros dans ma poche ! Laissez-nous partir ! Nous ne dirons rien !

L’homme ne réagit pas. Il leur fait signe d’avancer sur le sentier rocailleux de la pointe du Raz.

Il a gardé son manche de pioche dans la main. Ils avancent dans la nuit. Le couple bute sur les pierres qui jonchent le chemin côtier.

L’homme les dirige vers une partie du sentier très abrupte et particulièrement dangereuse. Etienne tente un geste désespéré pour frapper le ravisseur, mais peine perdue.

Il se prend un coup de manche de pioche en pleine face. Il crie de douleur et se calme en sanglotant comme un enfant. Le couple avance, résigné. Ils comprennent qu’ils vont mourir ce soir. Ils n’ont plus la force, ni courage de se rebeller. L’homme pousse un grognement, signifiant au couple de s’arrêter.

Julie et Etienne entendent le bruit sourd des vagues qui s’écrasent soixante-dix mètres plus bas. Le vent les fait chanceler comme des pantins. Les deux amoureux se regardent. Les larmes aux yeux, ils se hurlent qu’ils s’aiment. Soudain le colosse lève son arme, la fait tourner au-dessus de sa tête.

Julie et Etienne attendent le coup. Julie s’évanouit et s’écroule au sol à trente centimètres du vide. Le bâton percute mollement la cuisse d’Etienne puis le corps inerte de Julie. Le jeune homme étonné, regarde sa jambe. Du sang imprègne son pantalon à deux endroits distincts. Il relève la tête, incrédule. L’homme au chapeau de marin a disparu…

Etienne reprend espoir. Il tente de réveiller Julie mais elle ne bouge pas.

Soudain, il ressent une sensation étrange. Il se met debout en gloussant puis éclate de rire. Il regarde la mer au loin. Il fait un pas vers la falaise, se tourne vers Julie puis saute en poussant un cri de joie.

Quelques minutes plus tard Julie se réveille. Elle n’a aucun souvenir des événements.

Elle est dans un état second. Par peur, elle s’éloigne du bord de la falaise.

Elle erre sur le site de la pointe de Raz toute la nuit en parlant de façon incompréhensible, et en riant de manière intempestive, jusqu’à ce qu’un joggeur au petit matin l’aperçoive et la prenne en charge.

Il contacte immédiatement les pompiers.

Les gendarmes arrivent quelques minutes après… L’adjudant Moiron, chargé des premières constatations, s’adresse au médecin commandant des pompiers.

– Que s’est-il passé, mon commandant ? – Une jeune femme retrouvée désorientée par un joggeur. Il s’agit de Julie Bozec d’après ses papiers. Elle ne se souvient pas d’être venue ici. Pas de violence particulière constatée hormis deux petites piqures au cou. Elle a parlé de son copain, Etienne Mirsac. Elle se rappelle qu’ils fêtaient leur rencontre sur la plage des Sables- Blancs à Douarnenez, hier soir. Il n’y avait personne d’autre sur le site. La voiture du couple est garée sur le parking. Ils ont certainement bu. Est-elle venue à la pointe du Raz seule après une dispute ou pas ? Ça, c’est votre boulot, adjudant ! Pour l’instant, on va la conduire à l’hôpital de Brest pour des examens poussés. Je vous tiendrai au courant. – Ok, merci mon commandant.

L’adjudant se retourne vers son équipe.

– Allez les gars, on va ratisser la pointe pour voir s’il n’y a pas d’autres fêtards par ici ! Les gendarmes s’alignent et commencent à ratisser la lande. Il est 7h du matin. Nous sommes le 6 juin 2016…

Au sujet de l'Auteur :

Gwen Le Tallec Auteur de romans jeunesse et de nouvelles

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