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THEODORIC LE CHEF (7)


Le lièvre a la royale, Narrateur, Sénateur Couteaux

C’est Chez Suppler que, pour la première fois à Paris, Mr. Coteaux fit connaitre sa merveilleuse recette du “Lièvre à la Royale”. Ne s’en tenant pas à la théorie, le sénateur gastronome présida à la confection du met et y coopéra, l’enseignant ainsi a Mademoiselle Bon, cordon-bleu de Spuller.

Mr. Couteaux est sénateur de la Vienne, il nous fait dans ce numéro, le récit du propagateur de cette excellente recette. Aristide Couteaux est né le 17 décembre 1835 à Usson-du-Poitou ( Vienne), il est mort le 27 juin 1906 à Paris. Sénateur de la Vienne de 1891 à 1906. Nous sommes en IIIème République. Le sénateur un un propriétaire foncier et publiciste, Aristide Couteaux s’intéressa d’abord aux questions artistiques et publia en 1854, “ Aperçus généraux sur la peinture”, et en 1854-1855, “ Options et paradoxes sur la peinture”. Engagé le 19 Aout 1870, il fit partie, durant le siège de Paris, de “l’escadron Franchetti", et fut attaché à l’escorte des généraux Trochu et Ducrot, pendant toute la durée de la guerre.

L’ami et l’hôte du Sénateur est Jacques-Eugène Spuller, avocat, écrivain, homme politique, député de la côte d’or, sous-secrétaire à la présidence du conseil dans le gouvernement Gambetta, Ministre de l’instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes sous le gouvernent de Maurice Rouvier, Ministre des affaires étrangères sous le gouvernement Pierre Girard, et enfin Ministre de l’instruction publique, des Beaux-Arts te des Cultes sous le gouvernement de Jean Casimir-Perier. J-E Suppler fait également partie des membres du gouvernement français qui ont officiellement présenté la “ Statue de la Liberté” aux Etats-Unis. La statue est démontée après la cérémonie et placée dans 210 caisses de bois, le 21 mai 1885, la statue en pièces fait son premier allez simple et sans retour, embarquée sur un paquebot vers New-York.

En octobre 1886 J-E Suppler représentera le parlement français lors de l’inauguration de la statue a New-York. Mlle Bon, cordon-bleu au service de Suppler, vient de l’école de Maitre Auguste Colombié, c’est avec cette talentueuse demoiselle que le sénateur fera équipe pour réaliser cette recette unique dont Bocuse et Robuchon en reprendrons la recette pour la proposer au menu. C’est d’ailleurs bien les seuls chefs qui pouvaient prétendre a sa confection, de part son cout mais aussi de par son prestige. il faut dire que cette recette fait partie des meilleures recettes du terroir de France, elle représente la naissance de la cuisine issue du terroir Gaulois..

Sa préparation demande toutes les attentions, la cuisson est longue, la mise en place nécessite de nombreux ingrédients, les meilleurs, une présence constante de plus de quatre heures en cuisine, ce plat demande de la précision et de la discipline, il faut se mettre dans un état yoga. Yoga est la voie de la respiration, yoga c’est la vie et l’action, il suffit de se concentrer afin de rentrer dans une logique, une technique, une tenue et une gestuelle appropriée avec des outils adaptés a la manuelle et aux lois de l’ergonomie, il est besoin également d’user des ses cinq sens, c’est le zen de la gamelle, maitriser le feu et le temps, s’accorder aux gouts, humer et toucher, palper et ressentir, écouter et comprendre, ressentir et visionner.

C’est toujours ce que je dis, il ne peut avoir de bon résultat si un seul de ces sens est absent. Sentir, Toucher, voir, entendre, goûter, l’un ne va pas sans l’autre.. Voila pour les présentations, et pour mon sentiment sur la tenue du chef. C’est le Sénateur Couteaux lui-même qui nous narre l’événement dans l’une de ses spirituelles chroniques du Temps.

J’ai fait à Paris, mon premier livre à la royale chez mon cher et si regretté ami Spuller.

Ce fut un grand triomphe, dont je garderais pour mon compte le souvenir éternel.

J’avais mis naturellement tous les atouts dans mon jeu, et, sachant quelle énorme influence exerce la qualité supérieure du lièvre lui-même sur la réussite du plat que j’allais soumettre au jugement de fins gourmets, très compétents assurément, mais aussi passablement septiques, je m’étais réservé de fournir l’animal.

Pour plus de sûreté, j’étais allé le choisir moi-même dans nos brandes poitevine ou j’avais chassé toute une semaine avant de trouver un lièvre réunissant au plus haut point toutes les conditions exigées telles que; lièvre mâle, au poil roux, pesant de cinq livre et demie à six livres, et tué assez proprement pour n’avoir pas perdu une goutte de sang.

Une fois en possession de ma bête, je pris immédiatement le train, et, de la gare d’Orleans, je portais directement le lièvre roux chez Spuller.

Des le lendemain, les invitations étaient lancées, je n’avais qu’à bien me tenir. j’eus, en conséquence, la veille du grand jour, une longue conférence avec la cuisinière de Suppler, la vénérable Mme Bon, et je lui donnai, avec le plus grand soin et toute la précision possible, mes instructions sur les opérations préliminaires à faire subir au lièvre et sur les divers ingrédients qu’elle devait tenir tout préparé pour le lendemain à midi.

Pour faire cuire un lièvre à la royale, une daubière en cuivre est nécessaire, dans laquelle le lièvre, après avoir été amputé immédiatement derrière les épaules, doit tenir en son entier et dans toute sa longueur. Spuller n’avait pas dans sa batterie de cuisine cette daubière… Heureusement, à quelques pas de là, se trouvait prêt de l’opéra-comique, la taverne de Londres, tenue alors par Edouard et Felix. J’étais en excellents termes avec Edouard.

Pendant le siège de Paris, lorsque nous étions libres, il m’arrivait souvent d’aller, avec plusieurs camarades de mon escadron, déjeuner chez Edouard qui, en échange de nos pains de munition, nous fournissait des filets de cheval et de côtelettes de chien qui, en ce temps-là , faisaient le fond des festins les plus cossus. Je priais donc Edouard de me prêter une daubière, en lui dissimulant point l’usage que j’en voulais faire, et tout aussitôt il me conduisit dans ses cuisines, ou je fis choix de l’ustensile désiré.

Le lendemain, à midi, j’étais chez Spuller. Après avoir ceint un beau tablier blanc de Mme Bon, je me mis, avec l’aide de l’excellente dame, en devoir de procéder à la cuisson de mon lièvre.

A une heure, tous les préparatifs étaient terminés. Le lièvre reposait dans le fond de la daubière garnie de barde de lard, dans un bain d’un excellent Mâcon; - Spuller était bourguignon, j’avais employé le mâcon; avec un bordelais, le médoc eut, d’ailleurs, tout aussi bien fait l’affaire, à ce lard et a ce mâcon étaient joints divers aromates et légumes. la daubière fut alors placée sur le fourneau à gaz dont la cuisine de Spuller était pourvue, (installation qui simplifie bien les choses), je réglais mon gaz, je plaçais deux ou trois morceaux de charbon a l’état incandescent sur la couverture de la daubière.

J’indiquai à Mme Bon les différentes choses qu’elle avait à préparer pour la seconde phase de l’opération, qui devait s’exécuter trois heures plus tard, je la chargeai, d’ici là, de veiller attentivement à ce que rien ne vint déranger la cuisson lente et régulière de notre lièvre.

Me débarrassant alors du tablier blanc de Mme Bon, j’allai dans le cabinet de Spuller, je m’installai à son bureau, et, après avoir placé ma montre devant moi, je me livrai, tandis que mon lièvre cuisait, à une étude approfondie sur la situation des six grandes compagnies de chemins de fer dans leurs rapports avec l’état au sujet de la garantie d’intérêt…

D’heure en heure, j’allais surveiller mon lièvre.

La délicieuse odeur qui se dégageait de la daubière, chaque fois que j’en soulevait le couvercle, s’accentuait de plus en plus et remplissait bientôt tout l’appartement. Tout allait bien.

A quatre heures, je procédai à la plus importante partie de mon oeuvre, je sortis délicatement le lièvre de son premier bain, de tous les ingrédients qui composaient ce bain, on fit, au moyen d’une passoire et d’un petit pilon, un abondant coulis, à ce coulis on ajouta une demi-bouteille de vin chaud, et , dans le tout, on délaya un mystérieux hachis, préparé selon mes indications, avec le plus grand soin, par Mme Bon, et de la bonne réussite duquel dépendait tout le succès de l’opération. Puis, le coulis ainsi complété fut versé dans la daubière, le lièvre fut replacé dans ce nouveau bain concentré, et la daubière fut remise sur le fourneau pour être chauffée à feu doux jusqu’à sept heure, heure fixe pour le diner.

Cependant à six heures, Mme Bon n’ayant plus besoin de moi pour mener à bien notre cuisine, je sortis pour faire une course. Les émanations parfumées du lièvre à la royale, après avoir rempli tout l’appartement, puis toute la maison, avaient franchi la porte cochère, et, suivant la rue Favart, s’étaient répandues jusqu'au boulevard.

On raconta que tout le quartier tout entier de l’opéra-comique fut mis en émoi.

On raconta, que des passants, séduits par l’odeur embaumée qui flottait dans l’air, entrèrent chez le pâtissier Julien pour lui demander ce qui sentait si bon, et que le célèbre pâtissier dut répondre que cette odeur si extraordinairement parfumée ne sortait point de chez lui.

On raconta que les mêmes personnes, ne perdant point courage, se rendirent à la taverne de Londres et demandèrent à Edouard si, en dînant chez lui, on pourrait avoir sa part de ces nouvelles odeurs de Paris .

Edouard, mieux renseigné que Julien, put répondre que ces odeurs d’un parfum si pénétrant sortaient bien, en effet, d’une de ses casseroles, mais que cette casserole était pour le moment sur le fourneau de M. Spuller et qu’il ne pouvait disposer de la moindre parcelle de son contenu .

Telles furent les légendes auxquelles donna lieu ce premier lièvre à la Royale, dans le quartier de l’Opera-Comique. Je suis un trop scrupuleux ami de la vérité pour en prendre la responsabilité.

Mais ce que je puis affirmer encore, c’est le succès fut si éclatant que je dus renouveler l’expérience une dizaine de fois, pour donner satisfaction à tous les amis de Spuller, qui voulurent y goûter. Le lièvre à la royale est devenu une légende de la cuisine française, elle se situe en troisième république et se passe vraisemblablement juste après le siège de Paris en 1870. c’est son origine qui fait du lièvre à la royale l’un des plats le plus français de notre histoires, comme tous les chefs d’oeuvres culinaires viennent le plus souvent d’un conflit ou d’un désastre, donc encore une fois, cette anecdote nous plonge dans la vie parisienne du quartier de l’opéra-comique…

J’ai moi-même fait cette recette, aujourd’hui c’est très difficile de la réaliser, en effet comme vous avez pu le constater, il faut avoir un lièvre au bout du fusil, il doit correspondre à l’idée gustative qu’on se fait de lui., une idée intérieur, la recherche des saveurs par la mémoire des goûts, une banque mentale de données nécessaires à la création d’une recette, encore une fois c’est “Le Zen de la Gamelle”..

A suivre…

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