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TARAN by Gwen Le Tallec (ch 4 & 5)


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Le 6 juin – 14h00 Costa gare la voiture sur le parking de l’hôpital de Brest. Nous nous présentons à l’accueil et montons au deuxième étage de l’établissement. Un policier en faction est chargé de surveiller les allées et venues dans la chambre de la jeune femme. Elle est la première suspecte dans la disparition de son ami et seule sa famille peut venir lui rendre visite.

– Commissaire Courteline, du SRPJ. Nous venons voir Julie Bozec. Voici le capitaine Costa. – Bonjour, commissaire. Vous pouvez entrer, elle est seule. – Merci…

Le policier, d’à peine vingt ans, est très impressionné par les deux super flics. Il sourit bêtement et leur ouvre la porte de la chambre. Julie Bozec a les yeux dans le vague. La télé diffuse une émission de téléréalité exposant des jeunes femmes idiotes vautrées sur des canapés et des jeunes hommes excités ne sachant pas s’exprimer correctement. Elle est surprise de voir les deux policiers.

– Qui êtes-vous ? – Bonjour, je suis le commissaire Courteline et voici le capitaine Costa. Nous sommes du Service Régional de la Police Judiciaire. – Bonjour… J’ai déjà tout raconté aux gendarmes ! – Pouvez-vous recommencer ? Nous avons besoin de vous entendre pour bien comprendre les évènements. –… – S’il vous plaît, Madame Bozec… – Oui… Attendez… Je suis fatiguée (elle pousse un soupir et ferme les yeux un instant pour se concentrer). Nous fêtions l’anniversaire de notre rencontre. Etienne m’a fait une surprise en m’emmenant sur la plage des Sables-Blancs à Douarnenez pour boire le champagne face à la mer… Il a ouvert la bouteille. Nous avons été surpris par un homme ensuite… – Comment était-il ? demande Costa. – Grand, costaud… Il avait une veste de mer sombre et un bonnet de marin. On ne voyait pas son visage avec la nuit. Etienne a voulu lui parler. Il s’est approché, l’homme l’a frappé avec un bâton. Il m’a donné un coup de poing dans le ventre. Je me suis évanouie… On s’est réveillé dans une camionnette. Nous étions ligotés et bringuebalés dans tous les sens. Il roulait vite et mal. – Costa, il faudra vérifier si un radar n’a pas flashé le véhicule cette nuit-là. Avec un coup de bol, on aurait sa plaque d’immatriculation. – Ok ! – Continuez… – Il nous a fait sortir du véhicule et nous a poussés jusqu’à la falaise. Etienne a tenté une action désespérée et s’est pris un coup. Au bord de la falaise, nous étions sûrs de mourir. Je me suis évanouie sur le sentier… Quand je me suis réveillée, j’étais dans un état second… Comme si j’avais bu mais sans les désagréments de l’alcool. C’était presque agréable… J’ai erré sans but, droguée, jusqu’à ce que ce joggeur s’occupe de moi… Qu’est-il arrivé à Etienne ? – Nous ne savons pas, mais nous cherchons. Avez-vous des ennemis ? – Des ennemis ? Vous rigolez ! – Vous avez été droguée au GHB, la drogue communément appelée la drogue des violeurs. Votre agresseur vous a frappée avec un bâton qui devait avoir des sortes de crochets qui ont laissé des traces ressemblant à des morsures de vipères ou d’araignées comme la veuve noire. C’est comme cela que le GHB aurait été injecté. D’après le médecin, les examens démontrent que vous n’avez pas été violée… A votre avis, pourquoi avez-vous été laissée comme ça sur le bord de la falaise ? Comment expliquez-vous que votre voiture était garée sur le parking de la Pointe du Raz ? – Je ne sais pas… Je ne comprends pas… C’est incompréhensible… Je suis institutrice, j’ai une vie sans histoire… Des larmes coulent sur les joues de la jeune femme. – Nous ferons le maximum pour retrouver votre ami et l’homme qui vous a agressé. Il y avait bien un homme, Julie ? – Oui bien sûr ! Vous croyez que je mens ! Vous êtes fous ! – Nous ne savons rien pour l’instant. Et si nous nous en tenons aux faits, vous êtes la dernière à avoir vu Etienne Mirsac. Il n’y a aucun témoin. – Non, c’est pas possible ! J’vous jure !

Soudain, un médecin entre dans la chambre.

– Il faut la laisser se reposer maintenant ! Elle est encore très faible ! – Au revoir Julie… Nous pensons que vous dites la vérité mais il va falloir nous aider. Reposez-vous et merci pour ces précisions ! – Sortez ! – Doucement, Doc ! s’écrie Costa.

Nous sortons de la chambre. Le policier nous regarde avec un sentiment de peur et de colère. Costa s’approche de lui.

– Pas encore prêt pour être un vrai flic, petit… Bye…

Nous sortons de l’hôpital. Je sors une Peter Stuyvesant pour réfléchir. Costa en profite pour s’allumer un cigarillo.

– T’en pense quoi Costa ? – Je pense qu’elle dit la vérité. Néanmoins, reste la question de la voiture garée sur le parking… – L’agresseur a pu la ramener là, après les avoir laissés au bord de la falaise ! – Ouais… Reste la disparition du gars et le mobile de l’agression. C’est une histoire obscure, commissaire. – Oui, tu as raison Costa… A qui en voulait-il ce type, à ton avis ? – … – Etienne Mirsac était la cible. Il l’a tué et jeté dans la mer. Julie Bozec est sans doute une victime collatérale… – Ou c’est le contraire, commissaire. La fille est la cible. Le type au bonnet se venge en tuant son copain… – Ouais… On va chercher dans les vies des deux victimes pour en savoir plus. Il faut tout éplucher et trouver un indice, Costa. – En tout cas commissaire, je trouve qu’elle a vite retrouvé la mémoire. – Cette saloperie de drogue peut avoir des effets très différents d’une personne à une autre… Julie Bozec a la chance ou la malchance de se souvenir… – Et si c’était un fou qui avait frappé au hasard, commissaire ? – Alors, il recommencera… ou pas…

Nous remontons dans la voiture banalisée, direction le SRPJ. Mon téléphone vibre.

– Commissaire ? – Oui Léa. Du nouveau ? – Un bateau de pêche vient de remonter un cadavre dans ses filets. Le corps a été transféré à l’institut médico-légal. C’est peut-être le disparu. – On est à côté de la morgue. On y va. Merci Léa. Continue à explorer la vie de ce jeune couple. Il y a certainement quelque chose qui explique l’agression.

5

– Tu peux couper le moteur, Costa, on a un macchabée à la morgue. Il a été repêché par un navire de pêche non loin de la pointe du Raz, il y a une heure. – Tu crois que c’est notre type ? – Allons vérifier !

L’institut médico-légal est à une centaine de mètres du parking. Elle se situe dans le sous-sol de l’hôpital. Maurice Nouriot est le médecin légiste depuis trente ans. Taran et Costa sont souvent amenés à travailler avec lui. C’est un expert de l’autopsie et un artiste du scalpel.

– Bonjour Maurice ! Il paraît que tu as réceptionné un client ? – Ah bonjour commissaire ! Salut Costa ! Oui, il est tout frais, si je puis dire ! D’après l’état du corps, cela ne fait pas longtemps qu’il est dans l’eau. – On a retrouvé des papiers d’identité sur lui ? – Non ! Il était vêtu d’une chemise dans un sale état et d’un pantalon en toile. Je vais commencer l’autopsie. Vous voulez me tenir compagnie ? – Pourquoi pas… Costa ? – Oui commissaire ! J’en ai vu d’autres… – C’est parti messieurs ! Allons voir ce qu’il a dans le bide, ce monsieur ! – Très drôle Maurice… – Merci commissaire !

Je n’ai jamais compris comment on pouvait passer sa vie à disséquer des cadavres. Il faut être psychopathe… Nous rentrons dans une pièce aseptisée. Un corps est étendu sur la table en inox, éclairé par une lampe scialytique très puissante. Maurice prend ses instruments de torture pour le découper. Il a accroché à son oreille un micro relié à un ordinateur pour enregistrer ses premières constatations. Costa et moi nous tenons un peu à l’écart. Nous avons pris soin d’étaler sous les narines un baume puissant distillant une forte odeur mentholée pour lutter contre l’odeur de mort.

– Il s’agit d’un homme de type caucasien. Jeune, il doit avoir entre vingt-cinq et trente-cinq ans. Les premières constatations montrent une plaie profonde au niveau du crâne. C’est le résultat d’une chute ou d’un coup très violent. Le corps a également de multiples contusions consécutives à son séjour au fond de la mer. Les crabes commençaient leur festin. Il a deux petits trous situés sur la cuisse gauche qui est la partie la moins abîmée. On pourrait penser à une morsure ou quelque chose comme ça.

Taran se retourne vers Costa. La fille avait aussi ces deux trous sur le corps. C’est comme cela qu’ils ont été drogués.

– Sinon, il était en bonne santé apparemment. Il a un tatouage sur l’épaule. On dirait une araignée…. Je vais pratiquer des analyses toxicologiques afin de savoir s’il était sous l’emprise d’une drogue, d’alcool, etc… Nous saurons également quel a été son dernier repas. C’est toujours émouvant de savoir s’ils ont fait un bon repas ou s’ils ont grillé leurs dernières heures en bouffant un Mac Do. Je vous tiendrai au courant évidemment. – Sa copine était droguée au GHB. L’agresseur a dû utiliser un bâton muni de crochets contenant la drogue. – Et bien, ce n’est pas ce pauvre bougre qui a pu abuser d’elle… Merci pour l’info, cela me fera gagner du temps, répond le médecin légiste. – Merci Maurice. On peut prendre une photo du tatouage ? – Il est tout à vous, je vous en prie.

Costa sort son smartphone et mitraille le tatouage en forme d’araignée. Nous sortons de la morgue et nous en profitons pour prendre une grande bouffée d’air pur.

– Je ne m’habituerai jamais à cet endroit ! – Ouais, Costa… Dire qu’on finira tous dans une chambre froide… – Jamais ! Le jour où je sentirai la fin, j’embarquerai une dernière fois sur mon voilier pour une balade vers l’éternité. J’préfère que les crabes me bouffent la cervelle que de finir sur la table de Maurice à la morgue, commissaire. – Tu es un sensible, Costa. Je ne savais pas… – Sensible ? J’ai surtout horreur des hôpitaux et des piqûres ! – Tu seras mort ! – Justement ! Je ne pourrai pas lui coller mon poing dans le pif à ce malade de docteur ! – Tu es déconcertant, Costa. – Pourquoi ? – Pour rien… On repart au bureau pour voir si Léa a du nouveau. – Ok ! En tout cas, j’avais raison ! Enfin une affaire pour nous ! – Sans doute, Costa… Tu as du feu ?

Costa me tend son briquet. Je tire sur ma cigarette, relève le col de mon blouson et m’engouffre dans la voiture. La bruine tombe sur Brest…

Au sujet de l'Auteur :

Gwen Le Tallec Auteur de romans jeunesse et de nouvelles

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