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TARAN by Gwen Le Tallec (ch 6 & 7)

Chapitre 6

Le soir du 6 juin…

– Hélène ! Tu rentres à quelle heure cette nuit ?

– Tard ! Je fais ma tournée jusqu’à six heures du matin. J’essaierai de ne pas te réveiller !

– Je te prépare une petite blanquette ?

– Tu sais que j’adore ta blanquette !

Hélène monte dans son taxi, il est 20h. Cela fait dix ans qu’elle roule sur les routes du Finistère. Elle est connue dans le milieu des taxis pour son professionnalisme et sa personnalité. C’est une des rares femmes à faire ce job. Elle travaille beaucoup pour les personnes âgées de la région qui vont faire des courses ou des examens de santé à l’hôpital de Brest. Les touristes et les hommes d’affaires constituent son autre clientèle. Elle maraude souvent du côté de l’aéroport ou de la gare pour prendre ces clients fortunés.

Ce soir, elle stationne à la gare. Les trains de Paris, Rennes et Nantes doivent arriver presque en même temps. Elle devrait faire des courses intéressantes. En attendant, elle téléphone à sa meilleure amie.

– Tu sais, avec Marc, ce n’est plus comme avant. Il est gentil mais il n’y a plus… On se croise à la maison. Depuis que les enfants sont partis, on vit comme deux colocataires. J’ai l’impression qu’on pourrait se séparer, Marine…

– C’est une mauvaise passe, Hélène. Vous devriez prendre un peu de temps pour vous, sortir, vous faire un week-end au bord de la mer. Il faut que vous vous retrouviez maintenant.

– Oui, mais avec mon boulot, c’est pas l’idéal.

– Prends des jours et fais lui une surprise !

– Je ne sais pas… Tu as peut être raison… De toute façon, si l’on veut passer Noël ensemble cette année, il va falloir réagir…

– Il faut te battre, Hélène !

– Tu sais, je ne me suis jamais vraiment remise de…

– Il faut oublier, Hélène… Le passé est le passé.

Soudain un homme frappe à la fenêtre.

– Vous êtes disponible ?

– Oui, vous allez où ?

– Guipavas !

– Je te laisse Marine, j’ai un client - Montez ! Vous avez une valise ?

– Juste mon cartable.

Le taxi démarre. Hélène reste pensive. Elle peine à retenir ses larmes.

– Vous allez bien, Madame ?

– Oui, ça va, merci ! Vous venez dans le Finistère pour votre travail ?

– Oui, j’ai un séminaire demain, Je travaille dans une collectivité territoriale. Nous plancherons demain sur la Cohésion sociale.

– Je ne vous envie pas ! Avec tous les SDF qui errent dans les rues de Brest aujourd’hui ! On se demande comment on pourra s’en débarrasser ! Enfin, j’veux dire, les aider à retrouver un logement et un travail.

– Vous avez raison, Madame. La tâche est rude. Mais ces gens et tous les autres ont besoin de nous. Il y a beaucoup d’âmes perdues en ce monde… Nous sommes les gardiens...

– …

Hélène regarde son client dans son rétroviseur. Il porte un imperméable beige, un pull à col roulé et des lunettes. Il tient son cartable contre son ventre. Il a l’air angoissé. Hélène sent quelque chose d’étrange chez lui. En un instant, elle commence à avoir peur. C’est la première fois qu’elle ressent ça.

– Je suis fatigué… On arrive dans combien de temps ?

– Dix minutes Monsieur.

Le taxi passe la pancarte Guipavas.

– Je vous dépose à quel hôtel ?

– Le Formule 1…

– Elle n’est pas généreuse votre collectivité ! dit-elle en se forçant à sourire.

– Je sais…

Le taxi se gare sur le bas-côté devant l’hôtel. Hélène arrête le compteur.

Elle n’a qu’une hâte : qu’il s’en aille. Elle rappellera Marine pour lui parler de ce type.

– Cela fera 45 euros. Vous payez par carte ou en liquide ?

Pas de réponse. Hélène se retourne inquiète.

– Par carte…

Hélène se saisit de sa machine de paiement en tremblant quand soudain elle sent un coup dans son dos. Elle tourne la tête. L’homme la regarde en souriant. Il brandit un couteau ensanglanté d’une trentaine de centimètres dans la main droite. Il lui dit :

– Je l’ai emprunté hier à votre mari. Vous ne m’en voulez pas ? Je suis celui qui vient venger les anges...

Il transperce à nouveau violemment le fauteuil du conducteur et le corps d’Hélène. Elle ne crie pas. Son regard surpris, devient vitreux. Elle pense à son mari, ses enfants… Elle s’écroule sur son volant dans un bruit sourd.

L’homme laisse le couteau dans la voiture. Il enlève le gant qu’il avait enfilé, masqué par son cartable. Il sort de la voiture et laisse la porte ouverte. Le moteur du taxi tourne toujours.

A quelques mètres de là, l’homme monte dans une camionnette. Il démarre et emprunte la nationale pour rejoindre Brest.

Chapitre 7

7 juin 2016… 8h00 du matin

Ce matin, Etienne Mirsac a été formellement identifié grâce à son ADN. Les analyses toxicologiques, adressées par le médecin légiste, ont confirmé que la victime avait été droguée au GHB. Le produit a été certainement injecté à l’endroit des deux petits trous dans la cuisse, comme pour Julie. A priori, le bâton de l’agresseur possédait un système équipé de crochets destinés à propager le poison.

Léa a découvert que le couple avait une passion originale, les araignées. Ils possèdent chez eux un terrarium avec une dizaine d’arachnides exotiques. Tarentules, veuves noires, mygales, araignées banane et deux scorpions peuplent leur appartement. Le couple postait régulièrement des photos de leurs « bébés » sur leur mur Facebook.

Cette passion explique le tatouage en forme d’araignée d’Etienne Mirsac. Julie Bozec possède le même. Elle l’a fait chez un tatoueur de Brest, il y a deux mois.

L’agresseur s’est servi d’une arme qui imite une morsure d’araignée. Il devait suivre le couple sur les réseaux sociaux à moins que ce soit un proche. Il était peut-être « ami » avec eux sur Facebook. Léa est sur le coup mais la tâche est difficile car ils ont chacun pas moins de mille amis. La communauté des fans d’araignées est importante en France…

L’agresseur doit faire partie de cette communauté, car sinon pourquoi aurait-il fabriqué une arme permettant de reproduire des morsures d’araignées ?

– Il est malade, ce type.

– Oui Costa, mais avoue qu’on a vu pire dans le genre !

– C’est vrai…

– Reste évidemment le mobile…

– Un différend sur l’éducation de ces bestioles poilues, commissaire ?

– Peut-être, Costa !

– Qui était la cible, commissaire ? demande Léa.

– Le couple, le gars, la fille ? On est sûr de rien… Je repars avec Costa pour annoncer la mauvaise nouvelle à Julie Bozec.

Pendant ce temps, la gendarmerie vient d’être appelée par le gérant de l’hôtel Formule 1 de Guipavas. Une femme ensanglantée a été retrouvée dans son taxi.

A l’hôpital…

Je me retrouve avec Costa devant la chambre de Julie Bozec. Le jeune policier est toujours là.

– Vous ne croyez pas que vous l’avez assez embêtée commissaire ?

– On vient de retrouver son ami… répond Costa.

– Il a enfin donné signe de vie ! Ils s’étaient disputés ?

– Il est mort… Il était au fond de l’océan en train de se faire bouffer par une colonie de crabes. Un bateau de pêche a pris le cadavre dans ses filets…

Je regarde Costa d’un air réprobateur. Il n’a jamais eu beaucoup de tact.

Le policier en faction se décompose. Il regarde Costa et vomit sur les chaussures du capitaine.

– Putain, le con !

– Désolé…

– Tu me paieras des nouvelles pompes, petit !

Nous entrons dans la chambre.

Julie nous aperçoit et s’écrie :

– Vous avez des nouvelles d’Etienne ?

–…

– Il est vivant ?

– Madame Bozec… Votre compagnon a été retrouvé. Il est décédé…

– C’est pas vrai ! Vous mentez !

Julie est sidérée. Elle fixe un point sur le mur de la chambre, sans bouger. Le silence est pesant. Costa tousse sans réaction de la part de Julie. Je lui demande :

– Madame ? Ça va ?

–…

– Julie ?

Soudain, elle s’affale sur son lit en pleurant.

Costa me regarde soulagé.

Je poursuis mes explications :

– Il est probablement tombé de la falaise le soir où vous avez été agressés. Je suis désolé…

– Non ! Etienne !!!

Julie Bozec hurle son désespoir.

Nous entendons un bruit sourd provenant du couloir. Je reprends mon interrogatoire.

– Je vous repose la question Madame Bozec. Pensez-vous que quelqu’un pourrait vous en vouloir ?

– Non !!! Je ne sais pas ! C’est peut-être ce connard de Christophe !

– Qui est-ce ? demande Costa.

– Notre voisin du dessous ! Il ne supporte aucun bruit. Il nous a menacés la semaine dernière ! C’est impossible, il n’a pas pu faire ça… C’est incompréhensible… Il est où Etienne ?

– A l’institut médico-légal, au sous-sol de l’hôpital.

– Je veux le voir !

– Vous devez l’identifier… D’où vient cette passion pour les araignées ?

– C’est Etienne… Quand je l’ai rencontré, il possédait déjà des araignées. Il m’a transmis sa passion. Je me suis fait tatouer une veuve noire sur l’épaule, il y a deux mois. Etienne est aussi tatoué.

– Oui, nous savons, répond Costa. Comment vous êtes-vous rencontrés ?

– Au festival des Vieilles Charrues, il y a un an… Etienne était avec un pote du boulot et moi avec ma meilleure amie.

– Comment s’appelle vos amis ?

– Martine et Marius Kermoran.

–…

– Oui, ils se sont mariés depuis… Laissez-moi maintenant… Je vous en prie.

– Vous avez de la famille, madame Bozec ? demande Costa.

–…

Je tire Costa par la manche et nous sortons de la chambre.

Dans le couloir, deux infirmières s’occupent du jeune policier qui semble inconscient.

Costa s’adresse aux deux jeunes femmes :

– Que lui est-il arrivé, au p’tit jeune ?

– Malaise vagal certainement, monsieur.

Nous ne pouvons pas nous empêcher de sourire sous les regards réprobateurs des personnels de santé.

– Nous sommes des monstres, Costa ! Ce métier nous pervertit…

– Nous sommes des chasseurs, Taran. Dehors, il y a un gars dangereux qui guette ses proies… Il faut des mecs comme nous pour arrêter ce genre de type…

– Tu as raison… Tu vas voir le voisin du couple, et moi je vais rendre une visite au couple d’amis. On se voit en fin d’après-midi pour faire le point avec Léa. Prends la voiture, je vais marcher un peu et prendre un taxi.

En partant, je pense à Tifenn… Je l’imagine à son bureau écrivant son dernier roman…

Elle écrivait une nouvelle histoire en même temps qu’elle faisait la promotion de son livre… Je me rends compte qu’elle ne m’avait pas fait le pitch de son projet. Ses épreuves doivent être encore dans son ordinateur. Je regarderai un jour… Je sors une Peter Stuyvesant. Je l’allume. Je tire longuement sur la cigarette. Son extrémité crépite tel un volcan en activité. Je ressens immédiatement les bienfaits de la nicotine.

Au sujet de l'Auteur :

Gwen Le Tallec Auteur de romans jeunesse et de nouvelles

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