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TARAN by Gwen Le Tallec (Ch 8 & 9)


Chapitre 8 :

Un rayon de soleil perce les nuages sur Brest. Je profite de cette chaleur inespérée quelques instants. Je suis interrompu par le vibreur de mon portable.

– Oui, Léa.

– La gendarmerie est intervenue ce matin sur une tentative d’homicide. Une femme, propriétaire d’un taxi, s’est faite planter au couteau de cuisine par un client, sans doute, devant l’hôtel Formule 1 de Guipavas.

– Elle est morte ?

– Non, mais elle est dans un sale état. Elle est dans le coma.

– Tu crois qu’il y a un rapport avec notre enquête sur les amoureux de la falaise ?

– Oh !!! Vous êtes un poète, commissaire ! Je ne sais pas, mais nous voilà avec deux affaires sérieuses, on dirait.

– Demande à Mercier et Morad de se mettre sur le coup. Je les débrieferai ce soir sur les premiers éléments de l’enquête. Je vais voir les amis de Julie Bozec afin de vérifier certaines choses.

– Bien commissaire. A ce soir.

Je prends un taxi stationné non loin de l’hôpital, lui indique l’adresse fournie par Julie dans le quartier Saint-Pierre et m’enfonce dans le siège pour réfléchir. A force de penser, je m’endors…

– Monsieur ! Monsieur !

– Heu… Oui !

– Nous sommes arrivés ! Vous voulez que je vous attende ?

– Non, merci… Voici pour la course. Gardez la monnaie.

Je lui tends un billet de vingt euros et sors du véhicule.

Je me présente devant un immeuble relativement ancien mais bien rénové. Je sonne chez Martine et Marius Kermoran.

– Oui !

C’est la femme qui me répond à l’interphone.

– Bonjour je suis le commissaire Courteline. Je souhaite vous poser quelques questions au sujet de l’agression de vos amis : Julie Bozec et Etienne Mirsac.

– Je vous ouvre. C’est au troisième. L’ascenseur est au fond du couloir à droite.

– Merci à vous.

Je décide de monter les escaliers. Je suis claustrophobe.

La porte est ouverte quand j’arrive sur le palier. Martine Kermoran m’accueille chaleureusement.

– Bonjour, commissaire ! C’est horrible cette histoire ! Comment va Julie ? Avez-vous retrouvé Etienne ?

– Je peux entrer Madame ?

– Oui je vous en prie…

J’entre dans l’appartement cosy. Martine Kermoran me conduit au salon.

– Je vous offre un café ?

– Oui merci.

Elle se précipite dans la cuisine, impatiente, et revient deux minutes plus tard avec un plateau et deux tasses de café.

– Ecoutez Madame Kermoran. Je ne vais pas y aller par quatre chemins… Etienne Mirsac a été retrouvé mort. Il est certainement tombé de la falaise le soir du 6 juin.

Martine Kermoran se décompose. La tasse de café qu’elle tient tangue brusquement sous l’effet des tremblements de la jeune femme.

– C’est atroce !!! Et Julie ?

La jeune femme sort un mouchoir en tissu de sa manche et se mouche bruyamment. Elle en profite également pour tamponner ses yeux humides.

– Julie Bozec est hors de danger. Elle va mieux, même si le choc de la mort de son compagnon l’a sonnée. Je voulais vous poser quelques questions de routine sur vos amis.

– Mon Dieu quelle affaire… Que voulez-vous savoir ?

Martine Kermoran est au bord de la syncope mais j’y vais quand même.

– Julie et Etienne se sont connus au festival des Vieilles Charrues ? Vous étiez avec eux ?

– Oui, j’ai rencontré mon mari ce jour-là. Etienne est… était son meilleur ami. Il va être dévasté en apprenant la nouvelle… Julie est une amie d’enfance. On ne se voyait pas souvent mais quand nous nous retrouvions on faisait la fête… C’était il y a longtemps… Avant de rencontrer Etienne, elle avait vécu une séparation difficile quelques semaines plus tôt. Elle s’isolait socialement...

– Elle vous semblait fragile ?

– Non… Oui… Je ne sais plus… Elle était triste.

– Vous pensez que c’était sa séparation qui l’a mettait dans cet état ?

– Non je ne pense pas… Elle avait tiré un trait sur son ancien compagnon… C’était autre chose, mais elle ne s’est jamais confiée. Elle restait très discrète. C’est comme si elle gardait un secret au fond d’elle…

– Et Etienne ?

– Un romantique… Il est tombé amoureux dès qu’il a vu Julie. Pourtant elle était complètement bourrée ! Son côté petit oiseau tombé de son nid l’a bouleversé et il a été immédiatement séduit. Il faut dire qu’Etienne est aussi un très beau garçon… (Martine s’arrête brutalement de parler) Oh mon Dieu !!! Il était tellement gentil ! Pourquoi lui ? Pourquoi eux ?

– C’est ce que nous nous efforçons de comprendre, Madame. Julie avait de la famille ?

– Non, ses parents sont décédés. Elle était fille unique… Ils étaient heureux Monsieur le commissaire… C’est injuste…

– Merci Madame Kermoran.

Je me lève pour prendre congé.

– Si vous avez d’autres informations, n’hésitez pas à me contacter. Voici ma carte.

– Je pourrais voir Julie ? Cela fait plusieurs mois que je ne l’ai pas vue…

– Pourquoi vous ne la voyez plus ?

– La vie…

– Pour l’instant, seule la famille peut venir mais apparemment elle n’en a plus… Dites que vous avez mon autorisation au policier de faction et tentez de la réconforter… Elle vit des moments très difficiles… Merci pour le café.

Je la quitte et descends les escaliers. Je sors. La rue est calme. Je regarde ma main. Elle tremble sans que je puisse la contrôler. Je saisis la petite boite verte dans ma poche intérieure. Je fais tomber un cachet de Lexomil dans ma main, le casse en deux et engouffre une moitié dans ma bouche. Je patiente quelques secondes les yeux fermés.

J’ouvre les yeux et pars à pied vers la station de taxi la plus proche. J’ai besoin de réfléchir à tout cela

et de prendre l’air…

Chapitre 9 :

La nuit tombe sur Brest…

– Léa, tu as du nouveau sur les amis Facebook du couple ?

– Pas grand-chose… Néanmoins, j’ai remarqué quelques profils atypiques voire suspects.

– C’est-à-dire ? demande Costa.

– Il y a des personnes qui déposent très peu d’informations sur leur compte Facebook. Alors, soit ils s’inscrivent et n’y reviennent jamais, soit ce sont des profils espions.

– Espions ? On se croirait dans un film de James Bond !

– Non, c’est très fréquent. Tu créés un compte avec un pseudo et très peu d’information afin de te glisser sur les comptes de gens que tu veux surveiller. Les grosses entreprises ont des gars payés rien que pour faire ça ! Ils veulent vérifier si la personne qu’ils recrutent n’est pas un obsédé sexuel ou n’insulte pas ses anciens employeurs. D’autres le font par perversité, voyeurisme… Ce sont les femmes qui sont le plus souvent visées dans ces cas. Ils peuvent proposer, après quelques échanges amicaux, un rendez-vous coquin…

– Il y a plein de malades sur la toile !

– Oui, commissaire ! C’est pour ça que je suis là en même temps !

– Léa, tu pourrais croiser l’ensemble des personnes concernées par cette enquête avec leur compte Facebook ?

– Oui, sans souci.

– Merci Léa.

– Et toi Costa ! Le voisin ?

– Un frappé, commissaire. Il m’a à peine laissé entrer. Je sentais qu’il était tracassé. Il n’arrêtait pas de regarder derrière lui. Il va falloir qu’on le suive de près ce gars. Il a nié se plaindre de ses voisins. Il les trouve plutôt aimables et les rencontre peu, à part dans la cage d’escalier quand il sort les poubelles. Il a l’air solitaire, mais il n’a rien d’un serial killer… C’est peut-être ça qui est inquiétant…

– On le file à partir de maintenant. Tu demandes à nos collègues de la police de se mettre sur le coup. Tu vois avec le capitaine Legocq.

– Ok !

– J’ai rencontré l’amie du jeune couple, une certaine Martine Kermoran. Son mari n’était pas là… Il faudra que je le vois. Elles se connaissent depuis l’enfance. Elles ont chacune trouvé leur mari aux Vieilles Charrues. C’est marrant, non ? Elle était triste et seule avant de rencontrer Etienne Mirsac. Martine Kermoran pense qu’elle gardait un secret. Elle sort quand de l’hôpital, d’ailleurs ?

– Demain, commissaire.

Les capitaines Morad et Mercier arrivent.

– Salut les gars. Du nouveau sur la femme taxi ?

C’est Mercier qui prend la parole :

– Les gendarmes ont trouvé le couteau dans la voiture sur le siège passager. La femme est dans le coma. Les analyses sont en cours pour savoir s’il y a des empreintes mais c’est peu probable. L’agresseur n’aurait pas pris le risque de laisser le couteau.

– Ou alors c’est un idiot ! s’exclame Costa.

– Peu probable, répond Morad.

– Vous avez pu interroger son mari ?

– Pas encore. Il est sous le choc et il a été hospitalisé quelques heures. On ira l’interroger demain à la première heure.

– Très bien, merci messieurs ! Je vous souhaite une bonne soirée, je rentre. Qui est de permanence ce soir ?

– C’est moi, commissaire…

– Parfait Costa. Vous m’appelez s’il y a du nouveau. A demain.

Je serre la main de tous mes collègues et m’éclipse dans la nuit.

Ma voiture est garée sur le parking du SRPJ. C’est une DS Citroën de 1970 que j’ai achetée en arrivant à Brest. J’aime les vieilles voitures.

Avant que Tifenn ne disparaisse, j’avais une Porsche 911 et une Bentley de 1980 coincées dans un garage parisien. J’en sortais une de temps en temps pour me rendre au 36 quai des Orfèvres. Mes collègues me charriaient évidemment préférant les voitures des truands qui font des go fast du style Porsche Cayenne. Je les ai vendues avec tristesse en fuyant Paris.

Je prends le port industriel de Brest. J’aime rouler au pas et regarder les cargos, les lumières, les gens… Je file ensuite sur la route du Vieux Saint-Marc. J’habite rue des Celtes à quelques centaines de mètres du port de plaisance. C’est une rue tranquille. Je croise rarement mes voisins, et cela me va bien. Je loue une maison jaune trop grande pour moi. Le soir quand je ne vais pas dans le centre-ville, j’aime bien prendre un verre à la Tour du Monde, un bar d’ambiance situé sur le Port.

Ce soir, j’ai envie de me poser chez moi.

En arrivant, j’ouvre une bouteille de Bordeaux, me verse un verre et allume la télé. Soudain, je repense au roman que Tifenn avait commencé. Je décide d’aller fouiller dans son ordinateur pour lire quelques pages.

Je sors l’ordinateur d’un vieux coffre et l’allume pour la première fois depuis un an… Mes mains tremblent. J’ai l’impression que je vais revoir Tifenn. C’est étrange. La sueur coule sur mon front. L’ordinateur me demande un mot de passe. Je ne le connais absolument pas. Je tente « Tifenn », cela ne marche pas. J’essaye « Taran » mais ce n’est pas mieux ! Je mets mes mains sur mon visage agacé.

Je réfléchis… Rien ne me vient. Je décide de manger un morceau. J’ouvre le frigidaire et constate qu’il est pratiquement vide. C’est désespérant… Je ne prends pas le temps de faire des courses et je finis par manger des boites de conserves et commander des pizzas. Je dégote dans le garde-manger une boite de saucisses aux lentilles que j’ouvre. Mon cerveau cherche encore le mot de passe de Tifenn. Je verse le contenu de la boite dans une casserole et m’arrête soudain. Je me souviens qu’elle me disait souvent que Victor Hugo l’accompagnait partout même dans les endroits les plus secrets. Elle rigolait en regardant ma tête quand elle disait ça. Je n’essayais pas de comprendre ce qu’elle voulait me dire. Je laissais mon instinct de flic au bureau. Regrettable…

Elle était particulièrement fascinée par « Les Misérables ». Elle m’en parlait souvent et j’aimais l’écouter. J’adorais le personnage de l’inspecteur Javert. C’était un jusqu’au-boutiste. Il se suicida quand il comprit que Jean Valjean était un homme bon. Je m’approche de ce qui est censé être ma bibliothèque. J’ai gardé les quelques livres que Tifenn aimait. Le livre « Les Misérables » est là, je ne l’ai pas jeté. Je le feuillette. Il y a encore un marque-page… Je parcours quelques lignes. Cosette, Jean Valjean, Marius, les barricades, les mousquets qui tirent… Je referme le livre.

Je ne me sens pas bien.

Je rentre la tête dans mes épaules, j’ai mal au cœur… J’ai envie de vomir.

Soudain, je relève la tête. Une idée me vient. Le livre préféré de Tifenn !

Cela serait logique. La clé d’accès à ses écrits. Le livre sous le bras, je m’approche à nouveau de l’ordinateur. Je tape : lesmiserables et je valide. L’ordinateur se déverrouille, je pousse un cri de joie ! Le marque-page tombe. Je le ramasse et le dépose sur la table.

Je cherche dans ses documents. Tifenn classait ses romans avec une grande rigueur. Je n’ai pas eu de mal à découvrir le roman en cours d’écriture. Je suis surpris par le titre : Disparition. Une prémonition ? Une simple coïncidence plus certainement.

Je clique afin d’ouvrir le document Word…

Au sujet de l'Auteur :

Gwen Le Tallec Auteur de romans jeunesse et de nouvelles

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