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THEODORIC LE CHEF (8)


L e déjeuner sur l’herbe et le caneton en gelée

Nous sommes au tout début du vingtième siècle, Auguste Renoir fut le premier en 1881 à décrire “le déjeuner des canotiers”….

Ici il est question d’un déjeuner en plein air, les hommes, sportifs et à la mode, portaient un canotier, bien entendu on se souviendra de Maurice Chevalier.

Ceci est un récit de de l’année 1905, le dimanche 3 septembre très exactement. Ce récit ne manque pas de vérité, toujours actuel malgré les cents douze ans qui nous séparent de cette histoire…

Cela reste à méditer me semble-t’il, nous avons tendance, dans la société d’aujourd’hui, à oublier les bons principes, je me dis donc que cette histoire vient à point, au moment même où nous nous trouvons au coeur de notre saison préférée qu’est l’été, (pour moi ce serait plutôt le printemps, question de floraison peut être).

Bien évidement l’été nous inspire et nous amène à la découverte des lieux, le besoin de profiter de cette nature est de s’y installer pour un moment….

Comment pourrait-on mettre mieux à profit une belle journée pendant les grandes vacances ? ( Ne me dites pas qu’il pleut en Bretagne…:) )

Quoi de plus charmant qu’une joyeuse partie de campagne, faite en famille?…

Voici de très complètes indications pour organiser une de ces petites fêtes.

Comment on organise cette partie de campagne en famille

Nous n’avons pas en vue la partie joyeuse, pour laquelle on se donne rendez-vous entre amis : genre de fête intime et champêtre ne manque pas de gaité, en général, mais uniquement par le fait de la bonne humeur de ceux qui y prennent part ; quant au plaisir gourmand, il brille par son absence, neuf mois sur dix.

Chacun se promet de faire surprise aux autres ; d’où résulte fatalement une surabondance de poulardes rôties, à moins que ce soit un déballage général de pâtés de veau et jambon….

Nous ne nous occuperons pas non plus, de la partie familiale qui est le privilège des personnes fortunées, ayant cheval et voiture ; aucun embarras, aucun soucis, la domesticité a tout préparé, tout transporté, même des assiettes, on a qu’a prendre la peine de s’asseoir sur le gazon ou la mousse, rien ne manque, et l’on peut s’offrir jusqu’à une salade apprêtée à l’instant, l’huile et le vinaigre étant là sans anicroche.

La partie de campagne qui nous intéresse, c’est celle de la famille plus ou moins nombreuse, mais simple, effectuant un petit effort de dépense exceptionnelle, c’est la partie, non moins gaie que tout autre, et qui est organisée par un ou deux des boute-en-train de la famille.

Le Menu ne laissera rien à désirer.

Nous aurons :

  • un petit melon,

  • des hors d’oeuvres variés, tels que saucissons et cervelas, jambon, crevettes, cornichons

  • un caneton en gelée

  • du pâté de lièvre

  • un poulet rôti

  • du fromage en sandwichs, ou au naturel

  • des gâteaux secs, à grignoter

  • des beaux fruits de la saison

  • des vins légers et fruités, blanc et rouge

  • café, et rhum

  • de la bière, enfin, au surplus, pendant les jeux qui suivront

Notre déjeuner.

je suppose une famille ainsi composée, le grand-papa et la grand-maman, très verts tous deux, le jeune ménage, avec un garçonnet de onze ans, une fillette de huit ou neuf ans, et un bébé de quatre ou cinq ans, en outre, une grande jeune fille, soeur de la petite maman ou du mari, la bonne fée qui, dans la famille, est une seconde mère pour les bébés.

C’est elle qui, avec le grand-papa, aura accompli une exploration préliminaire, quelques jours auparavant, car, à aucun prix, il ne faut aller déjeuner à l’aventure, au premier endroit venu. la sagacité de notre petite fée, s’unissant à l’expérience de grand-père bon-pied bon-oeil, découvrira ainsi la salle à manger vraiment propice, avec son dôme d’arbres, sur une hauteur donnant l’agrément d’un joli panorama, à <!-- @page { margin: 2cm } P { margin-bottom: 0.21cm } --> proximité d’un frais ruisseau, indispensable pour tenir les bouteilles dans un bain rafraichissant, pour les ablutions avant et après le repas, etc., etc.

Préparatifs.

L’avant veille du jour fixé, on confectionnera le pâté de lièvre. (si on n’a pas un sur fournisseur, à qui, dans ce cas, on l’achètera au moment du départ).

la veille on préparera le caneton en gelée, on rôtira le poulet, on s’approvisionnera de gâteaux secs, de fromage, de rhum, de bière, et l’on fera le choix du melon.

Le matin, on prendra le pain et le vin nécessaire, l’eau minérale, la charcuterie, les cornichons, les crevettes toutes cuites, les fruits.

On fera le café, on apprêtera les sandwichs de fromage, on mettra en ordre les ustensiles de service et les accessoires, on rangera tout les paniers et les filets, de façon que chacun ait quelque chose à porter sans fatigue, et en route !.

Le trajet.

Vu les conditions de la vie d’aujourd’hui, le mieux est de faire en chemin de fer la plus grosse partie du trajet, puis de la gare d’arrivée, on va tout tranquillement, à pied, en heureuse bande, par les chemins et sentiers de la campagne, jusqu’à l’endroit choisi pour le charmant festin.

Avant le départ de la maison nous avons récapitulé.

Ustensiles.

Des serviettes et torchons, non seulement il faut une serviette pour chacun, mais des torchons sortants tout frais de la lessive sont nécessaires pour remplir l’office de nappes, il en faut encore pour tenir au frais, en les imbibant de l’eau du ruisseau limpide, le melon et le moule qui contient le caneton en gelée. Ne pas oublier un petit lot de vieux journaux, ils seront utiles aux personnes qui n’aiment pas, pour s’asseoir, mettre leurs vêtements en contact direct avec l’herbe ou la terre moussue.

Des fourchettes, des petites cuillères, des couteaux, des gobelets, plus pratiques que les verres, deux tire-bouchons, dont l’un, par précaution, au cas où l’autre se casserait. En guise d’assiettes, des grands ronds de papiers fort, bien blancs, en demi-carton, gentiment découpés, et préparés pour la circonstance, tout proprets.

Provisions Solides. Le melon, dans un torchon noué, les hors d’oeuvres, dans des petites boites, ou bien pliés ou roulés dans du papier blanc, notamment les cornichons en abondance, et ayant été retirés de bonne heure, de leur vinaigre, le caneton, dans son moule.

En paquets bien à part, très proprement enveloppés, le pâté de lièvre, le poulet rôti, les sandwichs de fromage, pas serrés, à confier au plus soigneux de la famille, les gâteaux secs, les fruits, qui ont besoin, comme les sandwichs, de ne pas être secoués. Le pain enfin, dont il ne faudra pas manquer, car on aura bon appétit.

Provisions liquides. Le vin, l’eau minérale, la bière, tout ceci en bouteille, articles fragiles, dont il ne faut pas charger les turbulents. Le café, préparé moins le sucre, et mis dans une bouteille spéciale, le rhum dans une gourde de voyage. Ici, je place une observation personnelle, vin, eau minérale et bière représentant la partie la plus encombrante et la plus exposée à la casse, nous n’en prenons jamais l’embarras, quand nous faisons une de ces parties de plaisir.

Ceux d’entre nous qui sont allés en éclaireur, quelques jours auparavant, on eu soin de découvrir dans les environs quelque brave hommes d’épicier ou marchand de vin, chez qui nous achetons la boisson nécessaire, et nous avons ainsi à la transporter qu’à la fin même du trajet. Nous n’emportons de chez nous que le rhum et le café, à prendre forcement froid.

Accessoires Du sucre en morceaux, pour le café, du sel, du poivre, et, au besoin, un peu de moutarde. Une jumelle de course, dans son étui, en bandoulière, pour savourer les beautés du paysage. Un ou deux pliants, si vous avez parmi vous des personnes âgées. Deux ou trois aiguilles, du fil blanc et du fil noir, car, s’il arrive des accidents de ronces, des déchirures quelconque, on sera bien aise de pouvoir y remédier. Il est inutile de décrire l’apprêt du poulet rôti, toutes les cuisinières et cuisiniers le savent.

Quant au pâté de lièvre je crois que la plupart préféreront l’acheter chez un bon marchand de comestibles, pour s’éviter un surcroît de travail, d’ailleurs, n’importe quel pâté de gibier peut remplacer celui-ci dans ce menu de déjeuner sur l’herbe, au temps des grandes vacances, après l’ouverture de la chasse. Par contre, on sera content de connaitre la recette du caneton en gelée et celle des sandwichs de fromage.

Caneton en gelée de M. Albert Chevalier

Retenez bien cette recette, même si vous n’avez pas le loisir de faire une partie de campagne. En effet, ce mets, aussi succulent que sa préparation est facile, fait excellente figure dans un repas d’été ou d’automne à la maison.

La recette est de M. Albert Chevalier (Que de fois ce caneton-là a fait le bonheur de mes petits enfants!..)

Ayez un beau caneton, un pied de veau, un pied de porc, vingt à trente petits oignons nouveaux, une dizaine de petites carottes, et un bouquet garni (thym, laurier, persil).

Les deux pieds seront, d’abord aux trois quarts, cuits selon la méthode ordinaire, c’est à dire au court-bouillon (sans farine) avec les aromates habituels, deux ou trois gousses d’ail, un oignon piqué d’un clou de girofle, un peu de thym et de laurier.

Le caneton, une fois flambé, vidé et bridé, sera mis à la casserole, avec de la bonne graisse de rôti

( la valeur de cinq à six cuillerées à soupe.

Faites-le revenir, bien doré, égouttez la graisse. Ajoutez alors les pieds de veau et de porc et leur cuisson, à peu près un demi-litre, un verre de vin blanc sec, un petit verre de cognac, les petites carottes, les oignons légèrement rissolés préalablement dans cent gramme de beurre frais, et le bouquet garni.

Assaisonnez de sel et de poivre, couvrez la casserole, et laissez mijoter à l’aise pendant une heure environ. Retirez du feu, dégraissez, et laissez refroidir pendant le même laps de temps. Maintenant découpez le caneton selon la pratique usuelle; désossez les pieds de veau et de porc, divisez les en morceaux carrés. Prenez un plat profond carré ou un moule ovale, au choix. Rangez-y tous ces morceaux de caneton et de pieds, en ayant soin de placer les petits légumes autour, retirez le bouquet garni. A la cuisson adjoignez du jus de viande, en égale quantité, versez au-dessus.

Enfin, laissez le tout ainsi jusqu’au lendemain, dans un endroit aussi frais que possible. C’est donc dans le moule même que vous transporterez ce mets. Pour servir, il suffira de passer la lame d’un couteau tout autour des parois intérieures du moule, ensuite, le renverser sur un large et solide papier carton, servant de plat de service, et donner un coup sec sur le moule, le caneton en gelée en sortira sans difficulté.

Sandwichs de fromage j’emprunte cette courte recette à M. Auguste Colombié : Il convient d’employer du fromage sec, mais un peu gras, tel que hollande, emmental, ou chester. Beurrer de minces tartines de pain, agrémentés d’un peu de moutarde, couper des tranches de fromage très minces, et les intercaler chacune entre deux des tartines beurrées, comme des sandwichs. Le retour Les reliefs, cela va sans dire, ne manquerons pas.

On les empaquette séparément, on plie bagage, et l’on revient à la maison. En vue du retour, dont l’heure précise ne peut jamais être bien fixée, on aura donné l’ordre de préparer un bon potage, un bouillon de pot-au-feu facile à compléter au moment de l’arrivée, et des mets promptement faits, tels que rumsteck, des haricots panachés, vite beurrés à l’anglaise, ou une omelette, ou bien, au contraire, des mets pouvant attendre, tels que fricandeau, tomates farcies, et comme plat doux, une compote, ou un flan au caramel, préparé la veille au soir et tenu au frais. Jeanne Savarin.

Ce qui me plait de cette époque, est que nous ne parlons pas encore de plastiques, ils démontrent comment il est mille fois possible d’organiser un repas sur l’herbe dans les meilleures conditions et en y apportant le plus grand soin, tant pour notre plaisir que pour celui de la nature et environnement, qui est à tout moment respecté sans vraiment faire d’efforts particuliers, puisque cela semble d’une telle évidence dans ce récit et recette.. Il est question là de simplicité, mais aussi d’anticipation dans les préparations d’un déjeuner sur l’herbe parfaitement réussi.

Nous ne parlons pas non-plus d’assiettes en carton ou en plastique, ni même les gobelets qui à l’époque étaient en metal léger tels les gobelets de scouts. nous ne parlons pas non-plu de serviettes en papier et autres produits jetables d’aujourd’hui, ici tout est utilisé et organisé de bonne manières. Dans le prochain numéro, je vous parlerais de “ La nécessité d’un style simple”, vous verrez vous ne serez pas déçus, et malgré que ce texte date du 10 septembre 1905, il n’a pas pris une ride et fort de sens… Tout est là.! il est nul besoin d’en rajouter, c’est si simple…. faut-il le voir, hors voir et observer sont les premiers plaisirs d’une vie, notre regard sur l’alimentation d’hier, comparée avec celui d’aujourd’hui, n’y aurait-il pas un oubli.?

Je suis d’accord avec ce qui va suivre, aujourd’hui, ce qui semble bon pour le regard n’est pas forcement bon au gout.. hier. Oui effectivement je peux parître passéiste, mais il n’en est rien, il n’y a pas de passéisme dans l’art de cuisiner, mais de l’expérience dont il faut tenir compte, j’ai fait connaissance avec l’art que je pratique, il y a plus de cinquante ans, grâce a ma très chère mère, elle cuisinait avec passion et amour, l’un ne va pas sans l’autre, j’ai vu ses yeux bruns briller lorsqu’elle réussissait ses recettes, je l’ai vu, ce sourire qui lui appartient, lorsqu’elle portait la cuillères a ses lèvres et goûtait.

Le bonheur se trouve là dans ces souvenirs, toujours vivants, c’est elle qui m’a ouvert ces sens, palper, sentir, voir, entendre, goûter, c’est elle qui m’a fait comprendre qu’il n’était pas possible de cuisiner si tous les sens ne sont pas en éveil en même temps. Je vous raconterais également l’histoire de “ Richelieu et la soupe aux choux” un petit moment de bonheur, d’ailleurs il apparaîtra également sur l’histoire de la mayonnaise, une autre histoire à venir…

En attendant, passez de bonnes vacances en Bretagne et ailleurs..;)

A suivre..!

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