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TARAN by Gwen Le TALLEC (Ch 10 & 11)


La nuit…

Il est six heures du matin, Emeline sort de chez elle et parcourt à pied les deux cents mètres qui la séparent du métro, station Charonne, ligne 12. Elle part travailler tous les matins à la Défense dans une des plus grandes tours du quartier des affaires. Elle occupe un poste de secrétaire de direction dans un cabinet d’avocats. Elle traverse Paris d’Est en Ouest et change une fois de métro. Son trajet dure une heure mais elle ne se plaint pas. A cette heure, les rames ne sont pas bondées. Elle profite de son temps de trajet pour se plonger dans la lecture de romans sentimentaux. Elle s’évade en vivant les histoires rocambolesques de jeunes femmes qui trouvent toujours à la fin leur prince charmant en s’imaginant être une princesse des temps modernes.

Ce matin d’octobre, la pluie tombe drue. Emeline a oublié son parapluie. Elle finit par se cacher sous un porche pour attendre une accalmie. Elle n’a pas remarqué l’homme caché dans l’ombre. Sans un bruit, il lui assène un coup sur la tête avec une crosse de revolver.

Emeline s’écroule, il la retient. Une voiture arrive à cet instant. Le conducteur sort de la voiture et aide l’agresseur à porter la jeune femme à l’arrière de la voiture aux vitres teintées. Le véhicule démarre en laissant sur le trottoir un roman intitulé « Trois jours à Barcelone1 ».

Emeline est la cinquième femme à disparaitre dans le quartier de Charonne en quelques semaines. Aucune victime n’a été retrouvée à ce jour… Le Commandant Marcot de la police criminelle, installée aux 36 quai des Orfèvres, est chargé de l’enquête…

Je lève la tête et me verse un autre verre de Bordeaux. C’est la première fois que Tifenn se lance dans un roman policier. Elle n’aura jamais l’occasion de finir cette histoire…

Je passe ma main dans mes cheveux noirs et sales. Tifenn a écrit quatre chapitres de son livre. Je n’ai plus la force de lire... Je m’agenouille sur la moquette, dévasté…

Je m’apprête à me lever quand je remarque une inscription sur le marque-page traînant sur la table. Il s’agit d’un numéro de téléphone portable avec, écrit à côté, un prénom : Rodolphe.

Je ne connais pas de Rodolphe. Nous n’avions pas d’amis portant ce prénom… Bizarre.

Peut-être un type de sa maison d’édition ?

C’est certainement ça !

Et puis, ça change quoi ?

Tifenn n’est plus là pour me faire languir en me proposant des énigmes et en me donnant des indices avant que je découvre la solution, souvent décevante comparée aux délires que j’imaginais. Elle me disait :

– Il faut que tu t’entraines à résoudre n’importe quelle énigme, Taran ! Je t’aide ! Et si un jour je disparais, il faudra bien que tu te débrouilles pour me retrouver !

Je lui répondais à chaque fois :

– Pourquoi veux-tu disparaître ? Il n’y a que dans les films que l’héroïne est enlevée par un psychopathe extrêmement méchant !

Je m’approchais d’elle, les bras tendus, en poussant des rires sataniques. Nous nous écroulions sur la moquette du salon et nous nous embrassions passionnément. C’était il y a longtemps…

Je replace le livre de Victor Hugo avec le marque-page dans ma modeste bibliothèque et pars me coucher sans manger mes saucisses aux lentilles.

Un monstre rôde à Brest, je dois l’arrêter…

Chapitre 11

Je suis bien, allongé sur ce transat au bord de la mer.

Je sirote une bière en lisant les Misérables de Victor Hugo. C’est bizarre, j’aurais préféré un bon polar mais bon… A côté, Tifenn me sourit. Elle bronze, le sourire aux lèvres. Le bracelet en or que je lui ai offert orne son poignet. Un grand chapeau couvre sa tête. Elle porte un maillot de bain orange avec un liseré blanc. Elle est magnifiquement belle. Sa chevelure noire est délicatement posée sur son épaule droite.

Soudain, la sonnerie de mon portable retentit. Elle me défonce le tympan. Je me réveille… Je rêvais.

Je tends le bras pour me saisir du téléphone.

Avant de répondre, je regarde l’heure : 5h00 du matin. Putain, qui peut m’appeler à cette heure !

– Allo ?

– Commissaire !

– Que se passe-t-il, Costa ?

– La gendarmerie vient de nous filer une nouvelle affaire !

– A cette heure !

– Oui ! Le corps d’une jeune femme a été découvert dans la soirée par un promeneur et son chien.

– Où ?

– Dans la forêt des Sables Rouges à trente minutes de Brest.

– Les premières constatations ont donné quoi ?

– Elle a été retrouvée ligotée à un arbre avec deux flèches dans le thorax. D’après la rigidité du corps, elle était là depuis au moins une semaine.

– Mon Dieu… On connaît son identité ?

– Oui… Il s’agit de Camille Lahouen. Une trentaine d’années, elle bossait dans l’industrie pharmaceutique. Elle était aussi sportive de haut niveau.

– Ah bon ? Quelle discipline ?

– Le tir à l’arc…

– Bordel ! Costa, j’ai l’impression que c’est notre type ! Il y a quelque chose qui nous échappe ! Pourtant je suis sûr que c’est là, sous nos yeux ! Bon, j’arrive.

– A cette heure-ci ?

– Tu m’as réveillé, Costa ! Prépare le café.

– Ok, commissaire. Désolé…

– Te casse pas Costa, je dormirai quand je serai mort…

–…

Je raccroche.

Je me lève et me dirige vers les toilettes, m’écrase les doigts du pied gauche contre la commode de la chambre. Je pousse un cri de bête blessée dans la nuit.

Je me prépare un café et plonge sous la douche.

L’eau tiède finit par me réveiller totalement. Je suis de plus en plus persuadé que les trois affaires sont liées.

Je bois une tasse de café sur le pouce, enfile mon blouson, avant de sortir dans la nuit. Brest est tranquille. Il fait doux. La pleine lune éclaire la rue. Je monte dans ma DS et démarre. J’allume ma première cigarette de la journée en ouvrant la fenêtre. Je prends la direction du SRPJ.

Je passe devant le port industriel hébergeant des cargos rouillés. Les dockers organisent une grève pour protester contre leurs conditions de travail. Ils ont mis un barrage filtrant. J’ouvre ma fenêtre pour prendre le prospectus. Le syndicaliste m’interpelle :

– Il paraît que la préfecture nous envoie les CRS ! On va les recevoir à coup de barre de fer, ces salauds !

– Faites gaffe quand même…

– Ne vous inquiétez pas, on a l’habitude ! Dites donc, elle est classe votre DS !

– Un héritage !

– Passez, monsieur ! Bonne journée !

Je poursuis jusqu’aux bureaux du SRPJ.

Quand j’entre, je sens l’odeur du café. Costa a préparé une cafetière pour commencer cette journée du 8 juin.

Costa me sert le précieux liquide dans un mug avec l’inscription « T’as vu ta tête ? ». Je souris et m’adresse à Costa :

– Résumons-nous, Costa. Une fille transpercée par des flèches dans une forêt, il y a une semaine. Puis un couple enlevé, drogué et emmené à la pointe du Raz avec comme bilan : un mort et un blessé. Pour finir, cette femme agressée et blessée très grièvement dans son taxi. A chaque fois, une arme différente. Les faits sont néanmoins rapprochés. Cet enchaînement d’évènements tend à me faire penser que nous avons affaire au même criminel… Le mode opératoire est à chaque fois différent… C’est étonnant.

– J’ai bien réfléchi commissaire, concernant les armes employées pour agresser les victimes. C’est sans doute farfelu, mais j’ai une théorie.

– J’écoute Costa…

– Les victimes sont blessées ou tuées par des objets ou des symboles de leur vie. La fille championne de tir à l’arc est tuée par des flèches. Le couple agressé par un bâton muni de crochets ressemblant à des crocs d’araignée : Etienne Mirsac et Julie Bozec sont passionnés par les araignées. Je suis sûr que le couteau utilisé pour agresser la femme taxi n’est pas un hasard. Son mari doit être cuisinier ou elle fait la collection de couteau. Qu’en pensez-vous, commissaire ?

– Très juste, Costa ! Nous aurions un serial killer qui adapterait sa façon d’agresser ses victimes en fonction de leur vie. C’est un type qui doit étudier en amont les habitudes de ses proies. Léa doit poursuivre ses recherches sur internet ! Nous trouverons surement des indices. Où en est l’enquête sur la femme du taxi ?

– Mercier et Morad vont rencontrer le mari ce matin à l’hosto. On en saura plus sur leur vie, leurs habitudes. La femme taxi est dans le coma. Il est peu probable qu’elle en sorte prochainement…

– Ok, on se rend sur les lieux du meurtre de Camille Lahouen. On apprendra peut-être quelque chose.

Au sujet de l'Auteur :

Gwen Le Tallec Auteur de romans jeunesse et de nouvelles

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