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THEODORIC LE CHEF (9)


Nécessité d’un style simple, Richelieu et la soupe aux choux...

Nécessité d’un style simple

Cet article nous donne une idée sur ce qu’est l’évolution de la cuisine au début du vingtième siècle. Le temps des grandes découvertes culinaires mais aussi des grandes écoles, l’hygiène sera le point principal de cette métamorphose, bien des méthodes seront condamnées à l’oubli, ce qui parait tout à fait de bonne conduite.

En ce début de vingtième, sera découvert “Le Délicieux”, la fusion des quatre goûts.

Les livres de cuisine prendront une autre forme dans leur contenu, des explications plus concises, des recettes détaillées, des conseils, des mesures, une méthode adaptée, une hygiene alimentaire appliquée.

Colombié, comme je le note en avant, sera un précurseur de ces méthodes appropriées. Il a créé la première école de cuisine.

Le jargon culinaire est modifié et codifié, la lourdeur des mots techniques d’autres fois sont définitivement effacés et remplacés par un nouveau lexique, des nouvelles règles sont établies, cette fois il faudra prouver son éducation professionnelle, par des certificats et bientôt le diplômes par le C.A.P qui viendra plus tard. La Corporation est toujours en place. Il faudra attendre la loi Astier puis Delors…

Voici un extrait d’une reflection sur la cuisine d’autrefois, autrefois…

Il était temps de renoncer au style culinaire, trop spécial aux professionnels, et qui n’avait de raison d’être qu’autrefois, il y a cent ans et plus. Aujourd’hui, l’art culinaire fait partie de l’enseignement donné aux jeunes filles; Il n’est pas le monopole d’une corporation.

Or, notre belle langue française étant d’une richesse incomparable, point n’est besoin d’employer des mots qui ne lui appartiennent pas ou qui sont détournés de leur sens. Ces mots prétendus techniques, qui la plupart du temps sont aussi absurdes que grotesques, déroutent les personnes de bonne volonté, désireuses de savoir apprêter elle-même les aliments.

Nos institutrices par exemple, ne sauraient perdre leur temps à apprendre, pour ensuite l’enseigner supplémentairement, tout ce jargon cocasse, burlesque, ridicule au suprême degré, des cuisines du temps jadis.

Prenons d’autre part, une jeune fille de famille bourgeoise, qui veut connaitre, adolescente, comment elle pourra plus tard diriger sa cuisinière. Elle a reçu une bonne instruction, elle sait son français. Elle ouvre un livre de cuisine, et elle lit quelque chose comme ceci : < commencer par faire “blanchir" vos épinards, en ayant soin de les tenir bien verts.> Elle ne pourra moins faire que de se demander si l’auteur n’est pas un pensionnaire de Charenton, relâché trop tôt.

Quelle confiance voulez-vous qu’elle accorde à ce soi-disant professeur qui formule gravement une telle extravagance?

Et cependant, l’écrivain cuisinier n’est pas fou, mais le mot blanchir, qui en français veut dire “rendre blanc”, signifie tout autre chose dans l’argot professionnel. La phrase insensée, ahurissante, que je viens de citer, prescrit en réalité cette operation, “ Mettez vos épinards quelques minutes dans de l’eau bouillante et salée, en ayant soin de ne pas vous servir pour cela d’une casserole en cuivre étamé, ni d’un ustensile en fonte, ce qui aurait pour résultat de rendre les épinards bleus ou jaunes. Avec une bassine en cuivre non étamé, ou bien avec une casserole en porcelaine-à-feu ou en tôle d’acier émaillée, les épinards resteront bien verts”

N’ayant en tête que le jargon de sa Corporation, l’auteur du livre ne s’est pas aperçu un seul instant qu’il rédigeait en style de sphinx détraqué.

Ces braves cuisiniers ont ainsi des termes qui signifient tout le contraire de ce qu’ils veulent dire, et ils ne s’en doutent pas!

Encore un exemple, pour tout le monde, “appareil” est synonyme d’instrument, d’ustensile, de récipient, le fourneau est un appareil, la marmite, la casserole, le gril à côtelettes, la passoire, le tourne-broche etc.. sont des appareils. Pour les adeptes du style professionnel, l’appareil est, au contraire, le ragoût le fricot, la crème en train de cuire, la sauce, c’est-à-dire n’importe quelle préparation culinaire en cours de travail. Imaginez-vous la stupéfaction d’une apprentie cuisinière, lors-qu’elle lit cette prescription abracadabrante: < pour terminer, liez l’appareil, et servez chaud.>

L’excellente fille, qui, franchement, ne peut rien comprendre à ce langage, s’interroge, avec une naïveté anxieuse.

Pourquoi faut-il qu’elle attache la casserole, afin de finir son ragoût?

Où et avec quoi l’attachera-t-elle?

Et une fois que la casserole sera solidement liée, comment s’y prendra-t-elle pour verser son contenu dans le plat de service?

Mais indépendamment des auteurs culinaires qui s’obstinent à écrire en style professionnel, il y a quelques uns dont la prétention est de planer dans les hauteurs scientifiques.

Ceux-ci, alors, sont tout-à-fait amusants.

On ne peut rien apprendre en lisant leurs ouvrages, mais du moins, ils sont recommandables à quiconque est affecté d’un noir chagrin et désire le chasser. L’effet est prompt et infaillible.

Chez ces grands-lamas dont les grandes sauces appartiennent à la science d’Arlequin, le jargon des cuisines de jadis se complique d’un incohérent cliquetis de termes empruntés, pour la plupart, aux dictionnaires de pharmacie et d’histoire naturelle.

“Le ragoût de mouton et ses succédanés” écrivent-ils en titre d’article. Voici quelques citations extraites de leurs recettes:

“ Cernez vos tomates au pédoncule, avant de les concasser”

“ Taillez en petites fractions cubiques une demi-livre de gade de Terre-Neuve”

“ Aiguisez d’un grain d’ail la partie médiale supérieure de votre appareil soubisé “

“ Décoffrez le décapode macroure, au sortir de son court-bouillon”

“ Avec un des meilleurs sujets de la tribu des lamellirostres, nous allons apprêter aujourd’hui un de ces mièvres suprêmes que dans les écorces des pommes d’or nées au jardin fabuleux, la gelée ou s’éteint la fougue du champagne enserrera dans le crystal de sa nappe figée”

O joyeux Molière, tu n’avais pas prévu que Diafoirus serait dépassé!

En résumé, notre réussite n’a rien qui puisse surprendre, nous nous sommes immédiatement placés aux antipodes de tous les charabias culinaires. Faites comme nous, chers confrères, pour être lu par le public, il n’y a rien de tel que simplicité. Jeanne Savarin, (Gabriel-Antoine Jogand-Pagès)

Après ce merveilleux récit, voici une histoire qui en dit long sur les moqueries de l’époque, quiconque rigolait du roi et de ses ministres était voué au bûcher. L’humour cependant prend le dessus et il est bien évident que les théâtres de boulevards feront la gloire de la moquerie française, qui, toujours tenace aujourd’hui, nous vient jusque dans notre intimité et nous soulève de nos doux sofas, une sorte de sport à la française, qui fait que nous nous moquons de tout et de tous… c’est ainsi que la moquerie fait intégralement partie de notre language, que nous savons y faire face et y apporter de la dérision voir s’en servir a des fins politiquement correctes, les allusions sont divergentes et nous invitent à la confusion et donc à l’argumentation, la discussion de tout.

Voici une anecdote qui montre bien le retournement, l’allusion au besoin d’être pour se sauver, encore fallait-il connaitre le sujet sur le bout des doigts, fort heureusement l’acteur ne fait pas que jouer au chef, il est chef et c’est ce qui les sauvera..

Oyez plutôt!

Richelieu et la soupe aux choux

Sous le règne de Louis XIII, la troupe de comédiens qui jouait à l’Hotel de Bourgogne, bénéficiait d’un monopole, se tenant forts de ce privilège, ils dénoncèrent un jour trois pauvres diables, Flechelles, dit Gaultier-Garguille, Robert Guerin, dit Gros-Guillaume, et Henri Legrand, dit Turlupin, coupables d’attirer la foule au petit théâtre portatif, que ceux-ci avaient installé dans un jeu de paume, prêt de la porte Saint-Jacques, au dire des comédiens patentés, le trio forain empiétait sur leurs droits.

Richelieu eut la curiosité de voir les trois bateleurs, mandés au Palais-Royal, ils jouèrent une de leurs bouffonneries devant le cardinal-ministre, qui, dans une alcôve, leur fit dresser leurs tréteaux, Gros-Guillaume, déguisé en Périne, femme de Turlupin, fondait en larmes pour apaiser son mari, qui, l’accablant de reproches, menaçait à chaque instant de lui couper la tête, sans vouloir l’écouter.

Tel était le sujet de la farce.

Finalement s'inspirant de la gourmandise de son terrible époux, Périne brandissait un chou et une marmite, et s’écriait “ Eh bien, soit, tuez-moi, mon cher mari, mais qui vous fera demain cette bonne soupe aux choux que vous aimez tant, et pour mieux accentuer, Périne débitait, d’un ton goguenard, tous les détails de l’apprêt qui faisait ressortir son talent de cuisinière, impossible à remplacer.

Turlupin, alors, s’avouait vaincu, et sa grande épée lui tombait des mains. Or, le cardinal, qui devait être amateur de soupe aux choux, fut ravi de la description si bien faite par Gros-Guillaume, avant d’être bateleur, celui-ci avait été cuisinier.

Au surplus, Richelieu avait ri de bon coeur, à ce spectacle original. Il était désarmé.

Comme conclusion il invita les comédiens de l’Hotel de Bourgogne à s’associer les trois farceurs, afin qu’à l’avenir, déclara-t-il, on ne sortit plus toujours triste de leur théâtre. Nous retrouverons le cardinal de Richelieu au cours de notre voyage culinaire dans le temps, la mayonnaise par exemple, Richelieu en fut le créateur d’une certaine manière, une légende comme celle de Marengo plus tard, une recette issue des guerres et des batailles, et surtout des batailles…

J’ajouterais à cela, d’ailleurs, peut être qu’il eût été préférable que je commence par cela..!

“ Qui jamais eût pu croire, depuis la simple ration d’Adam, que la cuisine évoquerait assez de ressources pour former une science.” Lord Byron, Don Juan, Chant XV.

...A suivre

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